Where Is Rocky II ?
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France, 2016
De Pierre Bismuth
Scénario : Pierre Bismuth
Durée : 1h33
Where is Rocky II? entremêle documentaire et fiction pour rendre compte des recherches entreprises pour retrouver une mystérieuse œuvre disparue du célèbre artiste Ed Ruscha…
CANUL-ART
Dans la très riche et passionnante famille des films qui mélangent fiction et documentaire, on connaît bien les faux documentaires (ou documenteurs). Nettement plus rares sont les films faisant le trajet inverse: prendre une véritable enquête documentaire et la filmer comme une fiction. L'artiste Pierre Bismuth (oscarisé pour sa participation au scénario d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind) signe ici son premier film, qu'il décrit comme une "fausse fiction". De fait, il fallait bien un néologisme pour qualifier son improbable démarche. Par où commencer ? Ed Ruscha, l'un des artistes plasticiens les plus respectés d'Hollywood, aurait créé dans les années 70 une œuvre méconnue, intitulée Rocky II, qu'il aurait cachée du public dans un lieu connu de lui seul. L'anecdote elle-même est peu connue, y compris parmi les spécialistes du travail de l'artiste. Personne n'a jamais vu Rocky II, il n'existe à son sujet guère plus qu'une rumeur. Pourquoi ? Décidé à résoudre le mystère, Pierre Bismuth engage un détective privé pour mener l’enquête. Vous trouvez déjà le projet incongru ? Vous n'avez encore rien vu.
De virages en révélations, on n'en croit pas ses yeux devant le chemin pris par le film de Bismuth. Absolument authentique, l’enquête n'en est pas moins farfelue, de par la nature de l’œuvre en question, par l'absurdité de son emplacement, et grâce à ce détective taciturne complètement réfractaire au monde de l'art. Cela suffirait à rendre le film unique, mais Bismuth pousse le concept narratif plus loin, et injecte de la fiction à une histoire déjà folle. En parallèle de l'enquête, Bismuth engage également deux scénaristes américains, à qui il demande d'écrire un film d'espionnage inspiré de cette affaire. En tout, Where is Rocky II ? combine donc trois niveaux de lecture: la véritable enquête, les discussions des scénaristes, et la fiction née de leur imagination.
Bismuth dit s'être lancé dans le film sans savoir ce qu'il allait y découvrir. La recherche de Rocky II réserve une part importante de frustration. Trop, sans doute - mais nous n'en dirons pas plus. Le jeu de piste narratif n'en reste pas moins vertigineux. On y perd joyeusement ses repères, on ne distingue bientôt plus ce qui est véridique de ce qui est mis en scène. On en vient à douter de tout, de l’existence de Pierre Bismuth à celle d'Ed Rusha. On ne sait plus trop si l'on regarde une œuvre documentaire sur un canular, ou bien un film-canular sur une véritable œuvre. Le résultat est complexe, mais demeure étonnamment accessible divertissant, et surtout très drôle.
