WALL-E
États-Unis, 2008
De Andrew Stanton
Scénario : Andrew Stanton
Avec : Ben Burtt, Jeff Garlin, Elissa Knight, John Ratzenberger, Sigourney Weaver, Fred Willard
Musique : Thomas Newman
Durée : 1h40
Sortie : 30/07/2008
WALL-E est le dernier être sur Terre et s'avère être un... petit robot ! 700 ans plus tôt, l'humanité a déserté notre planète laissant à cette incroyable petite machine le soin de nettoyer la Terre. Mais au bout de ces longues années, WALL-E a développé un petit défaut technique : une forte personnalité. Extrêmement curieux, très indiscret, il est surtout un peu trop seul... Cependant, sa vie s'apprête à être bouleversée avec l'arrivée d'une petite "robote", bien carénée et prénommée EVE. Tombant instantanément et éperdument amoureux d'elle, WALL-E va tout mettre en oeuvre pour la séduire. Et lorsqu'EVE est rappelée dans l'espace pour y terminer sa mission, WALL-E n'hésite pas un seul instant : il se lance à sa poursuite... Hors de question pour lui de laisser passer le seul amour de sa vie... Pour être à ses côtés, il est prêt à aller au bout de l'univers et vivre la plus fantastique des aventures !
MÉMOIRE VIVE
WALL-E commence là où on ne l’attend pas. Sur une terre dévastée, sur les ruines d’une civilisation éteinte, dans un gouffre de solitude où ne survit qu’un petit robot mangé par la rouille, dont la seule activité consiste à façonner et à empiler, jour après jour, des cubes de déchet. Les cubes forment des tours, d’immenses et terrassantes tours qui dessinent une ville polluée et mortuaire. Où va WALL-E? Nulle part, murmure la première partie – dépouillée, muette, extraordinaire – du nouveau film d’Andrew Stanton, co-réalisateur de 1001 Pattes et du Monde de Némo. Nulle trace de vivant, nulle ébauche d’histoire. Rien qu’une mer de sable et un héros de métal qui a pour seule compagnie un cafard et se recycle indéfiniment. C’est cette attendrissante étrangeté, cette brèche temporelle et contemplative ouverte à tous les fantasmes et à tous les possibles, qui désarment et fascinent à la fois. Neuvième long métrage des studios Pixar, WALL-E ne ressemble – à première vue – à aucun autre de ses prédécesseurs. A mesure que la brume se dissipe, le film dissémine des indices, des traces dérisoires du passé. Très vite, le familier s’immisce dans l’inconnu. Des réminiscences rejaillissent dans le musée de ferraille du petit robot. La dualité ancien / neuf, passé révolu / course à la modernité, déjà présente dans Toy Story, Les Indestructibles ou Cars, se retrouve tout naturellement dans WALL-E.
DONNEZ-MOI DE NOUVELLES DONNÉES
Deux mondes entrent en collision: celui de WALL-E le videur automatique, collectionneur d’histoires, et celui d’Eve le droïde-sonde, en quête de l’Histoire. L’audace et l’originalité de WALL-E reposent sur cet équilibre précieux. Les deux parties distinctes qui composent le film illustrent magnifiquement ces deux impulsions. D’abord la fable hésitante, la page blanche, le vertigineux mystère des origines. Puis le retour aux machines - toute-puissantes -, la découverte des rouages et de la mécanique parfaite du récit. D’un côté, le passé déchu et ses objets désuets (le Rubik’s Cube, le magnétoscope, la cassette VHS...), son cinéma nostalgique (les extraits de la comédie musicale Hello Dolly), ses sonorités et son rythme indolents. De l’autre, le futur aveugle, l’hégémonie des machines et la société aliénée de Buy’n Large, où chaque désir est programmé, où l’humain, dépendant des robots, n’est plus qu’un enfant assisté, abreuvé de slogans et de spots publicitaires. 2001, l’odyssée de l’espace n’est pas une référence hasardeuse. Aux commandes du vaisseau Axiom se trouve une machine, un œil démiurge mais trompeur. John Lasseter avait créé pour Cars un univers anthropomorphique débarrassé des hommes, mais cet îlot parallèle, ce monde recroquevillé sur soi, se heurtait à des limites. Aussi mignonnes soit-elles, les petites voitures n’émouvaient pas. WALL-E fait de la machine et de la puissance virtuelle les véritables moteurs de son scénario. Et le pari de faire de son héros, un cube numérique aux allures de déchetterie ambulante, un authentique être vivant, est aisément, amplement réussi.
HUMAINS APRÈS TOUT
Andrew Stanton inverse les données, déshumanise la société, confère aux robots une humanité insoupçonnée, déconstruit pour mieux reconstruire, se plaît une nouvelle fois à tordre la réalité et les échelles. Ambitieux à plus d’un titre, WALL-E ne se veut pas seulement un hymne à l’amour impossible, où chaque récipient se cherche un contenant (les déchets pour WALL-E, la mission secrète pour Eve), où les objets programmés sont habilement détournés de leur fonction première, c’est aussi et surtout un film sur la mémoire, le savoir et la connaissance. Une ode à la longévité, au temps qui passe, aux choses flétries, aux choses qui meurent et qui renaissent par accident, éternellement. Un hommage appuyé aux pionniers et au progrès (illustré par le très émouvant générique de fin). Pédagogues mais pas pédants, les artisans de Pixar doublent l’histoire d’amour d’un discours écologique, prônent la résistance à la fièvre consumériste et à un choix de vie aseptisé. Ratatouille et Cars tenaient le même langage. Le succès ne se résume pas à un produit standardisé et désincarné. L’ambition déraisonnée, la recherche de la performance à tout prix mène l’homme à sa perte, inexorablement. Avec WALL-E - toujours plus beau, plus généreux, plus poignant -, Pixar démontre une nouvelle fois l’intelligence et la lucidité de sa démarche créative. La réussite du studio est réjouissante parce qu’elle ne cesse de creuser sa mythologie, d’affiner son message, de remettre en question ses acquis. Car la machine, si supérieure et dévorante soit-elle, n’est rien sans la mémoire et l'inventivité de l'homme. Ou le cœur temblotant d'un petit robot aux yeux emplis d’étoiles.