Vulva 3.0
Différentes intervenantes s'expriment sur un sujet tabou: la vulve.
PUSSY CONTROL
La vulve sous toutes ses coutures, sans vulgarité ni provocation. A l’heure de l’hyper-sexualisation permanente des femmes et des jeunes filles, ce brillant documentaire allemand cherche avec humour et sérieux à remettre les pendules à l’heure sur la réalité de l’organe génital féminin. Toutes les réalités : chirurgie esthétique, pornographie, excision, éducation sexuelle… les angles d’analyse des relations des femmes avec leur propre corps sont nombreux dans ce film qui ne se veut pas une œuvre à charge mais au contraire une célébration de la diversité biologique féminine. Si l’ensemble se nomme Vulva et non Pussy, Vagina ou autre faux-synonymes, c’est loin d’être un hasard. Car ce qui intéresse ici les deux réalisatrices, c’est ce point anatomique souvent mal vu, mal connu et mal aimé. Cette partie du corps qui pourrait paraître familière mais se révèle une terra incognita aujourd’hui encore embrumée par les tabous, les mythes et les idées reçues. A tel point que la vision détaillée d’une vulve naturelle (avec ses poils, son asymétrie, ses couleurs) s’avère presque choquante, y compris pour une partie du public féminin.
De telles images sont d’ailleurs utilisées dans Vulva 3.0, de manière presque subliminale, couvrant la totalité de l’écran en très gros plans au moment les plus inattendus. La preuve, si besoin était, que le terrain de recherche du film se situe très loin de l’imagerie érotique dominante. Mais Vulva 3.0 ne cherche pas à donner de leçons et, dépourvu de voix off, laisse toute la place à son panel d’intervenantes chercheuses, éducatrices, artistes… L’ensemble parle de représentation, mais aussi beaucoup de réappropriation. D’où le 3.0 du titre : on n’hérite plus seulement de sa vulve, on en dispose. Le film commence d’ailleurs son raisonnement par cette question : qu’est-ce qui peut pousser des jeunes filles n’ayant même pas entamé leur vie sexuelle à recourir à la chirurgie esthétique pour gommer une asymétrie ou un volume pourtant naturels ? Le terrible constat de Vulva 3.0 c’est que ce territoire d’ultime intimité est pourtant lui aussi envahi par les normes, et se retrouve face à de nombreux diktats : celui du poil, celui d’une imagerie photoshopée et lissée héritée du porno, celui des interdits paradoxalement issus de l’anti-pornographie, etc. Pour être à l’aise avec nos corps, vaut-il mieux assumer le naturel ou s’assurer que celui-ci correspond à l’image que nous souhaitons en avoir ? Vulva 3.0 ne donne pas de réponse toute faite (et ne juge jamais celles qui choisissent une voie ou l’autre) mais propose au moins d’approfondir la question, en toute connaissance de cause. Des tabous joyeusement dépoussiérés, et une invitation à se réapproprier nos corps : la vulve est aussi un instrument de pouvoir.