Tomboy
France, 2010
De Céline Sciamma
Scénario : Céline Sciamma
Avec : Mathieu Demy, Zoé Héran
Photo : Crystel Fournier
Durée : 1h22
Sortie : 20/04/2011
Laure a 10 ans. Laure est un garçon manqué. Arrivée dans un nouveau quartier, elle fait croire à Lisa et sa bande qu’elle est un garçon. Action ou vérité ? Action. L’été devient un grand terrain de jeu et Laure devient Michael, un garçon comme les autres… suffisamment différent pour attirer l’attention de Lisa qui en tombe amoureuse. Laure profite de sa nouvelle identité comme si la fin de l’été n’allait jamais révéler son troublant secret.
SANS CONTREFAÇON, JE SUIS UN GARÇON
Une fillette de 10 ans se fait passer pour un garçon auprès de ses nouveaux amis. Avec Tomboy, son second long métrage, Céline Sciamma se frotte à un tabou. Le trouble identitaire d'une gamine se fait très sexué et s'il est décrit avec la retenue qui caractérisait déjà son premier film, celle-ci n'empêche pas de saisir son sujet, de le traiter frontalement. "C'est le regard de l'autre qui décide de ce qu'on est", commente la réalisatrice. Tomboy décrit le quotidien banal d'une bande de gamins, du terrain de foot aux parties de action ou vérité, en passant par le premier flirt. Qu'est-ce qui distingue cette histoire d'une autre, cette héroïne de 36 autres héroïnes? Par la grâce d'un traitement qui ne cherche aucune solution facile (la famille, absente dans Naissance des pieuvres, est non seulement présente mais aimante, sans pathos), par une direction d'acteurs parfaite (toutes les scènes entre les enfants marchent), Céline Sciamma réussit un portrait dont l'équilibre ne semblait pas si évident que ça sur le papier. Et comme dans Naissance..., sous l'apparente douceur se cache une douleur.
En voyant Tomboy, on se souvient des propos de François Truffaut qui évoquait l'enfant comme un élément naturellement pathétique auquel le public sera d'avance sensibilisé, mettant ainsi en évidence la nécessité d'un traitement sec, l'inutilité de forcer le trait. Sciamma n'a pas besoin de surligneur pour exprimer la peine de son personnage, ou pour traiter la question du genre. A l'image de ses premières scènes, le film est assez aérien, baigné dans une lumière d'été. Un baiser entre filles ne devient "dégueulasse" pour un des protagonistes que parce qu'on le désigne comme tel (de la même façon que Michaël ou Laura ne sont que des noms, un mot pour un masque). L'humiliation ne passe que par le regard d'autrui, l'incompréhension renvoyée comme un reflet déformant, mettant en marche une mécanique jusqu'alors insoupçonnée d'auto-dépréciation, là où une toute jeune fille est confrontée à la violence de l'indicible. La justesse psychologique du film émeut et confirme le grand talent d'une réalisatrice avec laquelle il faudra compter.