Tokyo Sonata
Japon, 2008
De Kiyoshi Kurosawa
Scénario : Kiyoshi Kurosawa
Avec : Koji Yakushô
Durée : 1h35
Sortie : 25/03/2009
Tokyo Sonata dresse le portrait d'une famille japonaise ordinaire. Le père, licencié sans préavis, le cache à sa famille. Le fils ainé est de plus en plus absent. Le plus jeune prend des leçons de piano en secret. Et la mère, impuissante, ne peut que constater qu’une faille invisible est en train de détruire sa famille.
CHAOS CALME
"La famille ne correspond pas du tout à mon idée de cinéma"*, a pu indiquer Kiyoshi Kurosawa, une affirmation qui s'est vérifiée au fil de sa filmographie. La famille est fantôme, absente, dans Kaïro, disparition qui est une des clefs de son long métrage de spectres où les jeunes japonais errent dans l'abandon le plus total, elle est détruite, défaite, dans Licence to Live où six années de coma ont suffi pour mettre à jour ses chimères. Le couple, lui, marche sur des oeufs ou des planches pourries, qu'il s'agisse du duo de film noir enlevant une gamine dans Séance ou de l'inquiétante étrangeté du couple de Rétribution, halo fantastique expliqué par la révélation finale. Jamais vraiment au centre des préoccupations de Kurosawa, mais souvent à la racine, en menace, en objectif, la famille est cette fois le thème principal de Tokyo Sonata.
Quelques craintes d'abord: si l'on sait Kiyoshi Kurosawa souverain dans le genre, avec des films tels que Kaïro, Cure ou Rétribution qui l'imposent parmi les auteurs majeurs du fantastique contemporain, le cinéaste japonais se montre souvent plus timoré lorsqu'il se frotte au drame, voir les confus et inachevés Licence to Live ou Jellyfish, comme si, hors du genre, Kurosawa manquait d'un révélateur fantastique pour donner corps à ses réflexions. Pas de fantôme pourtant dans Tokyo Sonata, où le réalisateur traite du drame familial sur la même tonalité que son horreur: atone, dépouillée, mais quelque chose gronde à l'intérieur. Portrait subtil d'une famille nippone qui s'étiole, et dont le père se retrouve au chômage, cachant aux siens cette disgrâce, le film, porté par une mise en scène splendide et un comédien habité (Teruyuki Kagawa), se joue des paradoxes, à la fois l'un des plus déprimés de son auteur, mais aussi l'un de ses plus optimistes, lumière de réconciliation dans le chaos social. Malgré quelques problèmes de scénario, Tokyo Sonata s'envole avec assurance vers une dernière scène purement magique.
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* Thierry Jousse, A l'école des genres, op.cit., p.82