The Square
Suède, 2017
De Ruben Östlund
Scénario : Ruben Östlund
Durée : 2h22
Sortie : 18/10/2017
Christian est un père divorcé, conservateur apprécié d’un musée d’art contemporain. Il prépare sa prochaine exposition, intitulée « The Square », autour d’une installation incitant les visiteurs à l’altruisme et leur rappelant leur devoir à l’égard de leurs prochains. Mais il est parfois difficile de vivre en accord avec ses valeurs : quand Christian se fait voler son téléphone portable, sa réaction ne l’honore guère... Au même moment, l’agence de communication du musée lance une campagne surprenante pour The Square : l’accueil est totalement inattendu et plonge Christian dans une crise existentielle...
LES BONNES MANIÈRES
"Il y a un grand changement d’attitude dans nos sociétés. Quand mon père avait 6 ans, mes grands-parents lui mettaient son adresse autour du cou et il allait jouer dans les rues de Stockholm. S’il rencontrait des adultes, ceux-ci pouvaient l’aider. Aujourd’hui l’idée générale, c’est que l’adulte représente une menace" : c'est en ces termes que le Suédois Ruben Östlund nous présentait son nouveau film, The Square, lors de notre entretien consacré à son précédent film (notons cette fois avec joie que le cinéaste évite de voir son film retitré de manière ridicule après Happy Sweden et Snow Therapy). The Square parle de mille et une choses mais, à l'image de Snow Therapy qui n'était pas un film sur une avalanche, l'art contemporain dans The Square sert surtout de MacGuffin. The Square, comme les précédents longs métrages du cinéaste, parle avant tout d'un contrat social et de la façon dont on peut s'en accommoder. Comme c'était déjà le cas sur les dynamiques de groupe comme dans Happy Sweden, sur le racisme comme dans Play ou sur les relations familiales et l'identité de genre comme dans Snow Therapy.
Le choix du milieu de l'art contemporain dans The Square n'est pas anodin pour autant car le vernis du milieu ici observé, cultivé et bourgeois, est en apparence encore plus costaud qu'ailleurs. Pourtant, et ce dès le début du film, les statues gigantesques semblent conçues pour lamentablement s'écraser au sol. Le méthode Östlund bat son plein dans The Square et c'est aussi une limite : le film paraît cadenassé, et chaque scène semble avoir avant tout pour but d'illustrer le propos. On a parfois accusé ici ou là le cinéaste de donner des leçons – mais c'est ignorer le sens de l'humour du film qui serait peut-être insupportable s'il était sérieux comme un pape. The Square est une vraie comédie, mais une comédie du malaise sans chauffeur de salle pour vous indiquer quand et pourquoi il faut rire. C'est parfois un comique de répétition totalement absurde, jouant sur la longueur et l'épuisement ; c'est parfois l'incongru qui surgit dans le réel, un singe qui s'invite dans une salle de dîner cossue, mais aux singeries succède rapidement un rictus de gêne.
Paradoxalement, si le propos et la façon dont il est véhiculé est parfois cadenassé dans The Square, le film, libre et ambitieux, est sans cesse imprévisible narrativement et formellement. C'est un beau chaos que l'on observe ici sur les contradictions sociétales, sur ce qu'on s'impose et ce qui craque – on insiste pour que les gosses ne claquent pas les portes mais les plus grands semblent tout à fait prompts à se bouffer à la moindre occasion. Le résultat est certainement clivant mais il y a ici un panache tout à fait excitant.