Cannes 2015: The Shameless
Moorwehan
Corée du Sud, 2015
De Seung-Uk Oh
Scénario : Seung-Uk Oh
Avec : Do-yeon Jeon
Durée : 1h58
Le lieutenant Jung Jae-gon est sur la piste de Park Jun-gil, le suspect d’un meurtre. Il sait que le suspect entrera en contact avec sa maîtresse Kim Hye-kyung qui travaille au Macao, un bar miteux. Jung, sous l’identité d’un camarade de cellule de Park, devient chargé de clientèle au Macao pour surveiller les moindres mouvements de Kim Hye-kyung. Au fur et à mesure que Jung passe du temps avec elle, il ressent une étrange culpabilité et sa détermination à attraper le suspect est ébranlée...
QUAND LA VILLE DORT
Coproduit par Park Chan-Wook, The Shameless est la seconde réalisation de Oh Seung-Uk, co-scénariste entre autres de Lee Chang-Dong ou Hur Jin-Ho. A première vue, The Shameless semble appartenir à la grande tradition des thrillers à la coréenne, mais le film relève plutôt du film noir avec ses femmes fatales, ses agents doubles, ses amours damnées et sa ville sombre. The Shameless raconte une histoire archétypale: un flic tombe amoureux de la femme du suspect sur lequel il enquête. Le pitch est sans fioritures, le traitement également. Le réalisateur, dans ses commentaires, a insisté sur la sobriété qu'il souhaitait adopter pour raconter The Shameless. Là encore, ne vous attendez pas à un thriller sur-spectaculaire où l'on se venge à coups de marteaux. Mais comme nous sommes en Corée, la sobriété n'est pas synonyme de paresse et le film reste parfaitement élégant visuellement, tandis que les gouttes de sang couleront malgré tout.
Une scène, parmi les meilleures, se distingue dans The Shameless: celle d'une tentative d'arrestation nocturne, dans la pénombre, sans un bruit. Le découpage minutieux et la lumière font merveille, comme la sécheresse avec laquelle est filmé l'affrontement entre le flic et le suspect: lorsqu'on se boxe, personne ne rit. The Shameless peine néanmoins à maintenir ce niveau. Le film, trop long, souffre de vrais problèmes de rythme. Il y a pourtant un sens de l'atmosphère, avec ce récit de nuit silencieuse et de bars miteux, où les amants maudits découvrent l'une après l'autre leurs cicatrices.
Il y a également de la ressource à l'écriture. L'une des marques de fabrique des meilleurs thrillers coréens, de Memories of Murder à Sea Fog, est cette capacité à jongler d'un genre à l'autre pour faire respirer l'histoire et la rendre plus vivante. Oh applique d'une certaine manière ce procédé à son film noir, et à l'enquête succède une romance contrariée portée par une tension érotique, avant d'aboutir à un mélodrame. L'un des indéniables atouts de The Shameless est la prestation de Jeon Do-Yeon, décidément brillante à chacune de ses apparitions. L'actrice primée à Cannes pour son tour de force dans Secret Sunshine tourne peu mais bien, et on l'attend déjà dans son prochain long métrage, le film d'action en costumes Memories of the Sword. Elle campe ici une héroïne complètement finie, balayée par la vie, avec une richesse de tons remarquable. Elle fait partie de ces actrices avec qui il se passe quelque chose dès qu'elle apparaît à l'écran.