L'Autre côté de l'espoir
Toivon tuolla puolen
Finlande, 2017
De Aki Kaurismaki
Scénario : Aki Kaurismaki
Durée : 1h38
Sortie : 15/03/2017
Helsinki. Deux destins qui se croisent. Wikhström, la cinquantaine, décide de changer de vie en quittant sa femme alcoolique et son travail de représentant de commerce pour ouvrir un restaurant. Khaled est quant à lui un jeune réfugié syrien, échoué dans la capitale par accident. Il voit sa demande d’asile rejetée mais décide de rester malgré tout. Un soir, Wikhström le trouve dans la cour de son restaurant. Touché par le jeune homme, il décide de le prendre sous son aile.
UN NOUVEL ESPOIR
On connaît la musique d'Aki Kaurismaki comme on connaît celle de Woody Allen - leur patte se retrouve d'ailleurs dès la typographie de leurs génériques. Son nouveau film, L'Autre côté de l'espoir, est le second volet d'une trilogie entamée avec Le Havre. Celle-ci devait avoir comme thème les ports ; Kaurismaki a confié en conférence de presse que ladite trilogie serait plus précisément centrée sur les migrants. L'Autre côté de l'espoir du titre, c'est la Finlande pour un jeune homme qui a fui la Syrie. Il débarque couvert de charbon, dans une apparition burlesque qui donne le ton : l'horreur contemporaine n'est pas éludée (comme lors d'une scène de témoignage puissante) mais celle-ci se déploie dans un conte décalé, à-la-Kaurismaki.
"La création et le développement de nos préjugés en stéréotypes ont une sombre résonance dans l’histoire de l’Europe". Les mots de Kaurismaki pour présenter son film ne nous font pas perdre de vue la tragédie qui a lieu. Mais, en indécrottable humaniste, il déguise celle-ci en fable et l'intègre à son monde. Clope et alcool, lose et moquette, déglingue à chaque coin de rue, L'Autre côté de l'espoir est du pur Kaurismaki. Les bagnoles et les téléphones semblent hors du temps même si l'on parle d'ici et maintenant. Le film noir y est coloré, l'humour acide se mêle à un ton généreux, et le récit fonctionne la plupart du temps.
Le malaise est pourtant là. Face à la crise des migrants, le film décrit également la crise économique en Europe - et son hypocrisie. La Finlande y est présentée comme un bon pays... qui estime qu'il n'y a pas de danger à vivre en Syrie. Les bons citoyens n'hésitent pas à se remplir les poches avant d'aller siroter des bières à Caracas. La déréalisation désuète (par l'esthétique, la direction d'acteur) empêche le film de tomber dans la leçon didactique. Mais la recette est si visible et si intégrée qu'elle prive parfois le film de plus d'urgence, de passion, d'émotion, comme lors d'un dénouement où la dernière péripétie qui touche le héros semble arbitraire. Le film est confortable, et ce n'est pas nécessairement le meilleur compliment que l'on peut lui faire. Mais il parvient en retour à être à la fois poétique et engagé, une réussite à laquelle tous les cinéastes ne peuvent pas prétendre.