The Moth Diaries
Canada, 2012
De Mary Harron
Avec : Sarah Bolger, Lily Cole, Scott Speedman
Photo : Declan Quinn
Durée : 1h25
Rebecca rentre en classe de première dans un pensionnat pour jeunes filles où elle espère prendre un nouveau départ loin du drame qui la hante, le suicide de son père. Dès les premiers jours, son amitié avec la fraîche et innocente Lucy est mise à l’épreuve par l’arrivée d’Ernessa, une belle et mystérieuse Européenne. À mesure qu’Ernessa se rapproche de Lucy, cette dernière semble de plus en plus mal en point : son corps jeune et en pleine santé laisse peu à peu place à une silhouette pâle et maladive, comme vidée de toute substance vitale.
On n’avait plus beaucoup de nouvelles de Mary Harron depuis l’accueil mitigé de sa curieuse adaptation d’American Psycho de Bret Easton Ellis. Depuis, les plus attentifs auront remarqué son nom aux génériques de productions télés, tels des épisodes de The L Word par exemple. Grand écart ? Pas tant que ça puisque son nouveau film fait reflet à ces deux projets sus-cités. The Moth Diaries risque lui aussi de dérouter son public. Non pas qu’il soit mauvais, c’est justement l’inverse, mais ses apparences sont assez trompeuses. Mary Harron prend des éléments de récit ultra classiques d’un univers déjà bien codé et balisé : le film de pensionnat de jeune fille (avec rivalité et sournoiserie, balades nocturnes dans les bois…), mais s’en sert pour raconter une histoire d’un autre genre, et de manière plus originale qu’il n’y parait. Car au final que raconte le long métrage si ce n’est une histoire de fascination et possession vampirique, mais dépourvue de tout son folklore habituel (pas de canines, de morsures dans le coup, de transformation physique…). Si le scénario vient rappeler à point nommé les trois éléments indispensables à chaque histoire d’horreur (sexe, mort et sang), il les utilise de manière subliminale. Car The Moth Diaries est anti-spectaculaire au possible : la scène de sexe est courte comme un rêve, le sang relève souvent de l’hallucination, la violence reléguée au hors-champ…
Mais là encore cette volonté de raconter l’horreur de manière anti-spectaculaire ne doit pas être considérée comme un défaut, il s’agit au contraire de l’habile et logique stratégie d’un récit qui ne parle que d’imagination et de point de vue. Rebecca, la nouvelle arrivée forcément inquiétante, n’est vue qu’à travers de multiples prismes de projections : celui d’une bande de copines soudées et curieuses ou celui de l’héroïne mi-obsédée mi-fascinée. Dès lors le portrait qui est fait est moins le sien que celui en creux des désirs et frustrations ados de toutes ces autres filles. En misant ainsi sur une atmosphère de mystère et sur la suggestion plutôt que sur une succession artificielle de scènes choc in your face, The Morth diaries est un peu l’anti-Jennifer’s body.
Une dédicace spéciale au spectateur qui, tout content de sa trouvaille, a répété la blague suivante à plusieurs reprises « pour un film de pensionnat il manque quand même un élément essentiel : une bonne scène de douche !». Comme quoi, sous couvert d’humour, le baromètre de la beauferie est toujours au beau fixe. Si The Moth Diaries peut être rapproché d’ American Psycho, ce n’est pas par un potentiel déchainement de violence, c’est même complètement l’inverse, mais bien pas sa manière qu’à le réel de se dérober sous de troubles apparences. C’est un film subtil. Ce sera une déception pour certains, mais une grande qualité pour nous.