DVD: The Innkeepers
États-Unis, 2011
De Ti West
Scénario : Ti West
Avec : Pat Healy, Sara Paxton
Photo : Eliot Rockett
Musique : Jeff Grace
Deux employés travaillent dans un hôtel à l'abandon et qui va prochainement être fermé...
I WANT TO BELIEVE
Il y a deux ans, Ti West s’était imposé en festivals avec House of the Devil, l’un des meilleurs films de maison hantée vu depuis belle lurette, à la fois old school et original. En attendant une éventuelle adaptation des Maçons du cœur à quoi son prénom le prédestine, c’est cette fois le tour d’une nouvelle propriété que le réalisateur nous invite à faire : celui d’un hôtel bientôt abandonné mais évidemment déjà maudit jusqu’à la moelle. « Redite », dites-vous devant ce nouveau tour de train fantôme ? Et bien pas du tout. Si l’auberge de The Innkeepers ressemble à la maison du Diable, ce n’est qu’en apparence. Ti West conserve en effet les meilleures qualités de son précédent film : personnages particulièrement riches et crédibles, direction d’acteur nettement au-dessus de la moyenne (félicitons au passage les organisateurs du PIFFF pour qui il est bon de préciser à nouveau que la principale qualité de l’actrice est… sa beauté), un scénario malin qui jongle avec les passages obligés et attendus (l’hôtel n’est pas isolé mais en plein centre ville, il y reste même des clients) et une mise en scène classe et irréprochable. La réitération avec succès de toutes ces qualités suffirait à confirmer le talent de Ti West et à faire de The Innkeepers une grande réussite du genre, à la fois efficace et classique. Or justement, classique, le film ne l’est pas tant qu’il n’y parait.
Plutôt que de prendre les spectateurs dans le sens du poil en se contentant de leur remontrer ce qu’ils connaissent et attendent, Ti West prend une sorte de contrepied léger. En effet, dans sa première partie, The Innkeepers est tout autant un film fantastique qu’une comédie. Ou plutôt, précisons : un excellent film fantastique et une comédie tout à fait réussie. Les grincements de planchers, le flegme des personnages, les « bouhs » derrière-ton-dos- attention- ! ne semblent être là que pour jouer à se faire peur pour de faux, et Ti West nous balade et nous berce de la douce illusion que son film n’est que ça, qu’un gentil manège efficace mais garanti sans traumatisme. Sauf que le scénario de West a un sursaut d’avance, et à la manière de Poltergeist (où pendant une bonne partie du film, les esprits ne faisaient rien de bien méchant à part bouger des chaises), cette fausse torpeur ne sert qu’à réveiller le spectateur avec plus de fracas lorsque les fantômes, qu’on croyait gentiment paresseux, décident de passer à l’offensive. Et là, fini de rire, le train fantôme se fait grand huit, accrochez-vous à vos harnais.
Mine de rien, cette manigance relève d’un tour de force discret, tant il est rare de trouver dans ce registre des films qui parviennent à être drôle sans recourir à la parodie ou au second degré, et qui parviennent à équilibrer humour et horreur sans que jamais l’un ne vienne annuler l’autre. Confirmons-le noir sur blanc, The Innkeepers sait faire vraiment peur le moment venu, et quand le film se permet un double clin d’œil à Shining et Black Christmas, la filiation ne parait pas exagérée. Loin d’être une simple juxtaposition (aussi impeccablement réussie soit-elle), le mélange de ces deux registres colle au contraire entièrement au questionnement récurrent du film : les personnages voient-ils vraiment tout cela, ne voient-ils que ce qu’ils souhaitent voir ou serait-ce l’inverse… Cette richesse très stimulante du ton du film colle à celle des personnages, que les nombreuses nuances (ainsi que d’excellents interprètes) rendent d’une crédibilité rare. Un trait décidément distinctif des films de Ti West, une qualité supplémentaire qui achève d’en faire l’un des noms les plus passionnants et prometteurs apparus dans le registre fantastique ces dernières années. Vite, la suite !