The Housemaid
Corée du Sud, 2010
De Im Sang-Soo
Scénario : Gina Kim
Avec : Do-yeon Jeon
Durée : 1h46
Sortie : 15/09/2010
Lee Euny est engagée comme gouvernante dans une riche maison bourgeoise. Le mari de la famille, Hoon, la prend pour maîtresse. La vie de toute la maison va alors basculer...
L'ANTRE DE LA FOLIE
Sélectionné pour la première fois en compétition officielle à Cannes, le Coréen Im Sangsoo s'était déjà illustré avec les brillants Une femme coréenne et The President's Last Bang (moins avec le mollasson Le Vieux jardin). Le voici revenu à son meilleur avec The Housemaid. Qu'allait-il donc bien pouvoir faire du classique coréen La Servante, de Kim Ki-young, cinquante ans plus tard? The Housemaid joue d'abord avec des figures qui naviguent entre archétypes et stéréotypes (légères réminiscences de Théorème, personnages-vignettes), pour mieux les malmener grâce à une mise en scène inspirée. A partir de motifs classiques (une domestique entrant dans un monde plus grand qu'elle, le venin qui va se répandre, un maître de maison qui abuse d'elle, une chevronnée rivale de cuisine, etc), Im Sangsoo parvient à installer une étrangeté, une menace, bizarrerie qui apparaît dès l'intrigant prologue, où l'horreur crue s'invite dans le quotidien le plus rôdé (une femme se suicide dans un quartier populaire de la ville), comme une rouge tache de sang sur le bitume qu'on s'est habitué à voir juste gris.
La folie, dans cet univers si lisse, design et high-tech, est latente, mais ne demande qu'à exploser. Voir cette scène de nuit, magistrale, où l'on se menace à coups de clubs de golf, mise en scène stylisant la vengeuse comme une femme fatale. A l'image de ses précédentes réussites, Im Sangsoo joue de la rupture de ton, laisse une large place au vertige et à l'inattendu dans une mécanique qu'on croit d'abord bien réglée. Le constat social est d'une noirceur absolue, jusqu'au grotesque; irréel de cette maison filmée comme un manoir hanté, où les lents travellings sont entrecoupés de plans en biais, de plongées ou contre-plongées violentes, comme une préparation à un dénouement grand-guignol où la folie jusqu'ici ravalée par politesse (faire preuve de respect est une marque de supériorité, inculque t-on à la fillette de la famille) finit par jaillir comme une ultime gerbe de sang. Jeon Do-yeon, déjà impressionnante dans Secret Sunshine, s'illustre dans un rôle plus ambigu qu'il n'y paraît en dindon de cette drôle de farce. L'épilogue totalement barré, lui, enfonce le clou de ce portrait malade d'une folie ordinaire, théâtre d'une dégénérescence dopé au panache.