The Future
États-Unis, 2010
De Miranda July
Scénario : Miranda July
Avec : Miranda July
Photo : Nikolai Von Graevenitz
Musique : Jon Brion
Sortie : 17/08/2011
La vie d'un couple de trentenaires va changer radicalement, et de façon tout à fait inattendue, lorsqu'ils adoptent un chat en phase terminale.
THE TIME TRAVELLER'S WIFE
C’est peu dire qu’on attendait des nouvelles de Miranda July. D’une part parce que son fort prometteur premier film, Moi, toi et tous les autres (lauréat de quatre prix à cannes dont la Caméra d’or), remontait à il y a déjà six ans, et parce que depuis, si on ne l’a pas revue au cinéma, elle a multiplié les projets artistiques les plus divers et excitants : expositions au Moma et à la Biennale de Venise, mise en scène d’une pièce au casting changeant chaque soir, publication d’un recueil de nouvelles (l’excellent Un bref instant de romantisme), création de sites internet interactifs, sortie d’un album… Dire que la réalisatrice est une touche-à-tout est un doux euphémisme, mais cela ne l’empêche pas de bricoler chacune de ses œuvres avec une attachante modestie.
L’attente était haute, donc, et The Future déroute sans décevoir. Il déroute car le ton général est globalement assez éloigné des petits riens ensoleillés de ses débuts. Ici la désillusion se fait plus amère, et le monde extérieur un peu plus rêche. Les deux héros sont des trentenaires gentiment lunatiques et un peu paumés dans leur vie de couple, sur le point d’adopter un chat. Leur hébétude fait d’abord un peu tiquer, mais il ne faut pas longtemps pour réaliser que le sujet du film est moins ce quotidien doux-dingue qu’une angoisse amoureuse plus profonde, une désillusion face à l’âge adulte d’une amertume assez surprenante, loin de la caricature girly-funny qu’on avait pu faire de Moi, toi…. Mais cette mélancolie recèle néanmoins des scènes à la grâce bizarre et drôle, comme un concours de cris par téléphone, une danse robotique en t-shirt jaune, ou une manière bien étrange d’arrêter le temps.
Car c’est moins la rencontre avec l’autre que l’inéluctable passage du temps qui intéresse ici la réalisatrice. L’arrivée à l’âge adulte (symbolisé par l’arrivée du chat) cristallise les angoisses de l’héroïne, qui ne sait plus quoi faire de son travail, plus quoi faire de son temps libre, et n’arrive même pas à faire des vidéos pour youtube. Elle doit faire face à des amis qui s’éloignent lorsqu’ils ont des enfants (lors d’une scène à la fois triste et drôle qui n’est pas sans rappeler l’émouvant tourbillon temporel de Synecdoche New York), à son passé auquel il lui est impossible d’échapper, même en fuyant chez le voisin, à la difficulté de vivre avec ses idéaux, et même à l’inéluctable fatalité de toute vie. Et pourtant The Future n’est pas triste du tout, car toutes ces pistes-là sont abordées via un récit inventif qui se fait peu à peu fantastique et surnaturel, avec un chat qui parle, des boucles temporelles, un t-shirt vivant … C’est la deuxième moitié du film, vraiment passionnante, que Miranda July décrit elle-même à moitié sérieusement comme un film d’horreur, où l’on accepte de perdre joyeusement pied avec la réalité. Tout cela jusqu’à un happy end cosy, d’autant plus réconfortant qu’entre temps les personnages, pour sauver leur amour, auront eu à parlementer avec la lune et faire reculer les océans. Rien de moins. Au final, le futur selon Miranda July est autant une menace qu’une promesse, une angoisse qu’un réconfort, et The Future compile brillamment tout cela.