The Dark Valley

The Dark Valley
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Dark Valley (The)
Finstere Tal (Das)
Autriche, 2014
De Andreas Prochaska
Durée : 1h54
Note FilmDeCulte : ***---
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L’arrivée d’un photographe qui rejoint une communauté située en pleine montagne au sortir du 19ème siècle tourne à la traque sauvage sur fond de vengeance personnelle…

UNE AFFAIRE DE MECS

Dès qu’apparait l’ombre d’un manteau d’époque ou d’un cheval, on a tôt fait d’apposer en vitesse l’étiquette western à tout film se déroulant dans le grand ouest d’antan. Moins qu’un genre en soi, le western a aujourd’hui plutôt muté en un contexte susceptible de se prêter à tous les traitements. Après tout, quel point commun entre La Dernière Piste et Django Unchained par exemple, si ce n’est leur simple contexte historique (et encore) ? The Dark Valley, « western » autrichien, serait en l’occurrence plutôt à rapprocher de la famille du film de vengeance, et même plus précisément du Rape and Revenge, ce sous-genre où une femme violée se venge avec un fracas exutoire de son ou ses agresseurs. Il faudrait d’ailleurs se demander en passant si intrinsèquement, ce sous-genre est gentiment féministe (en faisant des femmes des protagonistes, et en les rendant capables de vaincre des hommes) ou s’il est au contraire franchement réac et sexiste (en confirmant paradoxalement la femme dans son statut de victime, en impliquant que sa force ne peut naître que d’un accident, et en lui faisant adopter des comportements plus typiquement masculins, telle une jubilation à infliger des sévices physiques) ?

The Dark Valley contourne certes cette ambigüité par un détournement de taille, puisque ce n’est pas la femme bafouée qui se venge, mais son fils, qui revient quelques années plus tard sur les lieux du crime pour tuer les fils du violeur. La passion secrète de toute une partie du cinéma autrichien (à l'image entre autres des films d’Ulrich Seidl) pour le refoulé et les traumatismes historico-générationnels non-résolus est un phénomène dûment observé et documenté. Ce serait cependant faire trop d’honneur à Andreas Prochaska d’affilier son film à cette tendance-ci. The Dark Valley parle de la violence exercée sur un village, et plus particulièrement les femmes, mais en fait une affaire d’homme. Dès lors, une question plane : le Rape and Revenge devient-il plus ou encore moins progressiste lorsque la femme n’est même plus là pour se venger, mais que c’est un homme qui s’en charge à sa place ? Cette ambivalence pourrait bénéficier au film si celui-ci ne venait pas agiter sans cesse, en guise d’unique personnage féminin, une potiche de porcelaine dont le mutisme digne n’est qu’un prétexte pour montrer qu’elle a besoin d’homme pour agir à sa place. Face à ce personnage presque déprimant d’inaction et de fadeur, le protagoniste (pourtant tout aussi lisse), se pare quant à lui peu à peu des atours de l’ange de la vengeance : supérieur à tous par la force mais aussi par la dignité, il devient un superman inattaquable et moralement irréprochable.

The Dark Valley pourrait être méchamment sexiste. Il se contente de l’être maladroitement. C’est d’autant plus dommage que techniquement, le film possède plus d’une qualité. Notamment un sens du rythme précis, qui fait passer ces deux heures très rapidement, ainsi qu’une certaine élégance esthétique. Prochaska se permet même quelques décrochages surprenants et bienvenus, tels que des musiques ultra modernes (des reprises folk de Nina Simone ouvrent et closent l’ensemble), et deux trois idées perverses très plaisantes (des mises à mort à bases de clous ou, plus original, de pièces d’or). C’est dans ces moments-ci que The Dark Valley touche du doigt la sauvagerie et la folie qu’on aurait souhaité voir tout du long. Passés ces précieux éclats, l’ensemble finit par tourner au film de vengeance des plus classiques, avec ses mises à mort au ralenti, où l’honneur féminin n’est qu’un prétexte à une mise en scène fascinée par la virilité du combat. Un film des mecs, faits par des mecs surtout pour des mecs…

par Gregory Coutaut

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