The ABC's of Death 2
États-Unis, 2014
De Rodney Ascher, Julian Barratt, Robert Boocheck, Alejandro Brugués, Kristina Buozyte, Alexandre Bustillo, Larry Fessenden, Julian Gilbey, Jim Hosking, E.L. Katz, Aharon Keshales, Steven Kostanski, Marvin Kren, Erik Matti, Julien Maury, Juan Martinez Moreno, Robert Morgan, Chris Nash, Vincenzo Natali, Lancelot Oduwa Imasuen, Hajime Ohata, Navot Papushado, Bill Plympton, Dennison Ramalho, Todd Rohal, Jerome Sable, Bruno Samper, Jen Soska, Sylvia Soska, Soichi Umezawa
Durée : 2h05
26 réalisateurs, 26 façons de mourir. Comme dans le premier film, 26 cinéastes proposent 26 nouveaux courts métrages horrifiques, développés à partir de chacune des 26 lettres de l'alphabet.
L’ÉCOLE DE LA PEUR
Le principe ludique de The ABC's of Death 2 est le même que celui de la précédente anthologie horrifique: 26 lettres, 26 façons de mourir par 26 réalisateurs. On sait à quel point l'exercice de l'omnibus peut être inégal (des perles et d'inévitables ratés) et poussif (une ligne directrice parfois plus ou moins suivie par les réalisateurs). Cette suite est une très bonne surprise car elle évite bon nombres des pièges qu'on retrouve dans toutes les anthologies de ce type, horrifiques ou non. Ce qui frappe d'abord c'est la curiosité du projet: on n'en est pas, comme dans les VHS, à inviter quelques potes du même pays pour une enfilade de courts qui ont l'air réalisés de façon tout à fait impersonnelle. The ABC's of Death 2 a l'ambition de dresser une carte mondiale du fantastique, et s'aventure pour cela aux Philippines, au Japon, au Nigéria ou en Lituanie. On l'a déjà dit, si l'horreur mainstream (oxymore) est devenue de plus en plus dénuée d'intérêt, c'est du côté du contre-pouvoir qu'il faut chercher les talents. Et The ABC's of Death 2, directement destiné aux festivals spécialisés et au marché vidéo, s'offre cette liberté, propose la réalisation de ses courts à de jeunes révélations ou même à des artistes n'ayant jamais réalisé: maquilleurs ou spécialistes des effets spéciaux. Il en résulte un laboratoire extrêmement varié en tons, en styles, en couleurs, en propos - autant que l'horreur peut l'être elle-même.
Bien sûr, dans le lot, il y a toujours des loupés embarrassants. Le traditionnel réal d'horreur misogyne qui ne s'est toujours pas remis des vents que les filles lui ont mis à raison au lycée (l'irresponsable et pourri Equilibrium d'Alejandro Brugués, où l'équilibre des gentils mecs passe par le massacre des meufs qui les gonflent, et on simplifie à peine), ceux qui se sont gratté la tête 3 minutes pour faire leur film (X pour Xylophone avec une fillette énervante qui joue de l'instrument à côté d'une nounou énervée - on vous laisse deviner comment cela s'achève), ceux qui sont hors sujet (R pour Roulette de Marvin Kren) ou ceux qui sont simplement ni faits ni à faire (C pour Capital Punishment, irregardable). Mais la large majorité des courts de l'anthologie sont des réussites inventives, mieux: certaines contrebalancent totalement les quelques ratés. A la beauferie réac de Brugues répondent la farce anti-misogyne des sœurs Soska (film simple mais dont le craquage visuel est réjouissant) voire le film de vengeance gay du Brésilien Dennison Ramalho. Car l'horreur, ce n'est pas, malgré les clichés, que le genre des mecs-ados débiles en manque de nibards.
C'est une nouvelle fois en Asie qu'on trouve les courts les plus fous. Autre farce, celle du Philippin Erik Matti dont la gaudriole clownesque autour d'une aïeule zombie est très soignée. Le Japonais Hajime Ohata, qu'on avait repéré avec Henge, confirme avec un cauchemar pervers et enthousiasmant dans une société où même les tribunaux sont dirigés par des zombies. Mais la vraie perle de cette anthologie est signée d'un de ses compatriotes: Soichi Umezawa et son Y pour Youth. Le court métrage suit les divagations mentales d'une adolescente maltraitée par ses parents et qui rêve de se venger. Umezawa, maquilleur entre autres pour Kiyoshi Kurosawa ou Imamura, donne à voir sa vengeance avec des effets fous qui rappellent le meilleur des productions zinzins des années 80. Un petit chef d’œuvre. Ce sont ces courts imaginatifs et brillants qu'on garde en tête, comme l'animé D pour Deloused, petit ovni assez incroyable signé Robert Morgan qui n'est pas encore passé au long (mais on a hâte) ou encore le K pour Knell de la Lituanienne Kristina Buozyte et du Français Bruno Samper (révélés par Vanishing Waves): en quelques minutes se déploie un sens du poétique et de l'étrange tout à fait fascinant. Ces 2h05 donnent l'impression de durer moitié moins.