Tempête sous un crâne
France, 2012
De Clara Bouffartigue
Durée : 1h21
Sortie : 24/10/2012
Au collège Joséphine Baker de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, Alice et Isabelle enseignent à la même classe tour à tour agitée, timide, joyeuse, turbulente, mélancolique et vivante : la Quatrième C. La première est professeure de lettres, la seconde d’arts plastiques. Tempête sous un crâne nous plonge le temps d’une année scolaire au coeur de ce collège tenu par une équipe énergique et soudée, dans ses couloirs et dans ses classes où les deux professeures sont bien déterminées à transmettre à leurs élèves les moyens de s’exprimer.
L'ECOLE DES PASSIONS
Face à ce qui parait être un documentaire de plus sur l’Ecole, les a priori sont doubles, et concernent autant la forme que le fond. La forme d’abord, car le risque encouru est celui de se retrouver face un produit télévisé plutôt qu’un film de cinéma. Un reportage plutôt qu’un documentaire. La différence ? La présence manifeste d’un auteur, donc d’un point de vue. Face à Tempête sous un crâne, on craint d’abord que nos préjugés cinématographiques soient confirmés, car le cinéma ne semble pas être au cœur des enjeux de la réalisatrice. Aucune nouvelle idée de mise en scène ou d’écriture ne vient bousculer un cadre un rien balisé. Clara Bouffartigue n’évite certaines scènes attendues (les confrontations avec les parents – pour le coup complètement absents du film) que pour en retrouver d’autres (les plans sur les couloirs et les chaises vides à la fin de l’année, les élèves lisant leurs rédactions en plans serrés face caméra).
L’autre préjugé possible concernait plutôt le discours du film. La présence de l’Ecole dans des analyses télévisuelles plus ou moins pertinentes frôle l’overdose, sans qu’au final on ne sache toujours très bien démêler le fantasme du réel. Et c’est précisément sur ce terrain-là que Tempête sous un crâne convainc le plus, dans sa manière d’esquiver mine de rien deux graves écueils : le tout-anecdotique et le tout-théorique. Loin de toute revendication politique ou didactisme, le film se distingue en premier lieu par sa modestie : il pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses, ne prétend pas posséder des réponses meilleures qu’ailleurs, et ne transforme pas ses personnages en purs symboles. Car finalement, ce qui se trouve au cœur des enjeux du film, c’est moins la manière qu’ont les professeurs de gérer ou désamorcer les perpétuels conflits, que la constatation assez stupéfaite que, malgré tout le bordel parasite, la pédagogie fonctionne.
Le documentaire s’ouvre d’ailleurs sur une scène a priori banale mais plus riche qu’il n’y parait (les élèves rentrent en classe et ne se taisent pas, ne s’assoient pas), réaliste ou terrifiante selon l’expérience du spectateur. Et à l’inverse, les scènes les plus marquantes ne sont pas les plus convenues : plutôt que les coups de gueule des élèves (même s’il est tout de même question d’un élève qui se masturbe en cours), on retient surtout ce moment où la principale du collège s’avère incapable de faire un tas de carte, ou refuse généreusement d’exclure un élève récalcitrant. La détresse et la lassitude sur le visage de la prof concernée à ce moment là est peut-être le meilleur moment du film. En se focalisant moins sur les élèves que sur les enseignants, Tempête sous un crâne a pour premier mérite de montrer avec le plus grand réalisme le quotidien d’un prof, sans noircir ni enjoliver. Sans découragement ou glorification. Tout ça pour ça ? C’est déjà bien plus que toutes les fictions sur le sujet.