Star Wars: Episode VII - Le Réveil de la Force

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Dans une galaxie lointaine, très lointaine, un nouvel épisode de la saga "Star Wars", 30 ans après les événements du "Retour du Jedi".

A NEW HOPE

Exercice périlleux que cet Episode VII qui ne peut se contenter d'être un bon film mais qui doit rassurer tout le monde, des fans qui ont vu le premier film de la saga en salles en 1977 aux enfants néophytes dont ce sera le premier film de la saga, des déçus de la prélogie aux actionnaires de Disney qui espèrent voir les 4 milliards de dollars dépensés pour le rachat de Lucasfilm justifiés, pour ne pas dire rentabilisés. Et au milieu de tout ça, les artistes, si si, Kathleen Kennedy, Lawrence Kasdan et J.J. Abrams, qui doivent y trouver leur compte. Dès l'annonce du projet, avec les premières déclarations caressant la majorité des fans dans le sens du poil, évoquant un retour à la pellicule, aux décors en dur, la présence des personnages de la trilogie originale dont l'esprit serait recherché ici, allant jusqu'à s'inspirer de croquis non-utilisés de Ralph McQuarrie, il y avait de quoi craindre un produit dont la seule ambition serait de coller au plus près à une recette. George Lucas a commis bien des erreurs sur sa prélogie, il ne se reposait pas sur ses lauriers. Il y avait des clins d’œils aux précédents, du fan service pur, mais aussi des prises de risque qui lui auront valu nombre de "c'est pas Star Wars ça" et autres "Yoda il ferait pas ça" de la part des puristes. Avec les préquelles, la mythologie campbellienne laissait place à une allégorie politique plus marquée, au grand dam de bien des aficionados et aujourd'hui, de nombreuses critiques se réjouissent qu'Abrams & Co aient réussi à retrouver l'esprit des originaux mais pouvait-on vraiment en douter? Et surtout, est-ce le plus important? La question qu'il fallait se poser est plutôt de savoir s'ils réussiraient à trouver quelque chose à raconter. Ainsi est-on ravi de pouvoir dire que les successeurs de Lucas ne se sont pas attaqués à cette suite sans proposer un point de vue. C'est en cela que le départ de Lucas, remplacé par une génération qui a grandi avec ses films, est la meilleure chose qui pouvait arriver à Star Wars. Il ne s'agit pas simplement de se débarrasser du trop-plein de bestioles et de CGI (et de bestioles en CGI) mais d'arriver avec une vision différente. Abrams est un fan? Alors les personnages le seront aussi. Et avec cette simple idée, le film trouve tout son sens.

En revêtant un aspect méta qui participe non seulement à l'aspect ludique général mais qui apporte une profondeur à la relecture assumée des modèles, Le Réveil de la Force amène une réflexion sur le culte de la nostalgie, celle-là même qui a animé le cinéma d'Abrams (son Star Trek déjà mâtiné de Star Wars et sa suite en hommage au plus célèbre méchant de la saga, Super 8 en hommage à Spielberg) et qui guide présentement l'industrie cinématographique (américaine), engendrant depuis quelques années ce type de suites/reboots/remakes/adaptations à foison. En effet, Finn et surtout Rey vivent dans un monde où Han Solo et Luke Skywalker sont plus que des célébrités, ce sont des figures mythiques. Finn et Rey sont comme les spectateurs. La guerre passée et les Jedi sont devenus légende, évoqué par un Han Solo qui n'est plus gouailleux et incrédule mais vieilli et croyant. La Force? It's all true. Déjà dans Super 8 les héros étaient de jeunes cinéphiles pour qui le fantastique devenait réalité par le biais du cinéma (c'est en visionnant leur court métrage en 8mm - leur film de Zapruder - qu'ils découvraient l'existence du monstre). Et en face, on a Kylo Ren, un méchant qui, tel un fan avec ses produits dérivés, fétichise le casque de Darth Vader, autant la croix gammée du néo-nazi qui s'accroche aux symboles d'antan que le symbole de la saga Star Wars en soi. Et son casque à lui ne cache aucune cicatrice, c'est du cosplay. Là où on attendait une nostalgie exploitée en mode fan service, on a de la mélancolie et une dénonciation du fanboyisme. Une incarnation pour le moins couillue.

Si les premières scènes du film peuvent faire peur en recyclant vraiment point par point celles du film de 1977, l'écriture a tôt fait de renouveler ou de détourner les archétypes dont elle s'inspire ainsi que les codes du monomythe. Poe Dameron est un peu Leia mais aussi Han Solo, version engagé et Errol Flynn, Finn est un Han Solo flippé, Rey autant Luke que Han, etc. Un hero's journey se substitue à un autre et le film devient très vite l'anti-damsel in distress movie, comme un mantra narratif, enquillant les scènes où l'héroïne demande à ce qu'on lui lâche la main, prouve qu'elle n'a pas besoin qu'on vienne la libérer et prend son destin en main. Avec Mad Max Fury Road, c'est l'autre blockbuster "la femme est l'avenir de l'Homme" dans une année marquée par des personnages féminins forts, complexes et/ou intéressants (Inside Out, Crimson Peak, Tomorrowland, Mission : Impossible - Rogue Nation). Par conséquent, l'aventure se fait ludique à plusieurs niveaux, qu'il soit métatextuel ou textuel. Dans le souffle général et dans la mise en scène, aux relents une fois de plus davantage spielbergiens que lucassiens, Le Réveil de la Force est d'une classe et d'une énergie folle. À l'instar de Mission : Impossible III et Star Trek, le film témoigne encore une fois de l'obsession d'Abrams pour les fuites en avant non-stop au rythme effréné. L'action ne s'arrête quasiment jamais, quitte à emprunter de gros raccourcis dignes des scénarios de Kurtzman & Orci : le hasard fait toujours bien les choses dans la façon dont les personnages tombent les uns sur les autres et le développement de certaines trames propres à Han et Rey s'avère un peu précipité. Quelques morceaux de bravoure font preuve d'inventivité dans leur représentation comme tous ces plans larges durant la séquence avec le Millenium Falcon sur Jakku, alternés avec des plans qui nous plongent dans la subjectivité de la poursuite ou cette scène où Finn, au sol, regarde l'X-Wing de Poe dégommer plusieurs ennemis dans un long plan continu. Il manque sans doute un set-piece, surtout que celui avec les rahtar, qui réduit à des cameos les acteurs de The Raid, n'est pas fou.

L'action n'est pas seule à être divertissante. Le Réveil de la Force comporte beaucoup d'humour et, à ce titre, il est véritablement exemplaire. Pas de Jar Jar, pas de peluches. Le digne successeur de R2D2, BB8, est utilisé à merveille et jamais omniprésent. C-3P0 a peut-être la meilleure introduction d'un ancien personnage de tout le film et est vite maintenu à sa place. Le comic relief du film ne s'appuie jamais sur des gags faciles mais plutôt sur un humour vaguement post-moderne, sans tomber dans du Joss Whedon non plus. Un registre déjà présent dans un gag de 1977 (quand deux Stormtroopers de garde discutent et l'un demande à l'autre "t'as vu le nouveau VT-146?"). Si la structure calquant le squelette des précédents films peut sentir le calibrage, l'humour vient toujours naturellement et c'est en grande partie grâce aux acteurs. Si Harrison Ford a vieilli, il assure toujours autant mais ce sont les nouveaux venus qui remportent l'adhésion, tous absolument géniaux dans des rôles sacrément attachants. Révélé par Attack the Block, John Boyega confirme, drôle et vulnérable. Oscar Isaac ajoute une nouvelle corde, plus fun, à son arc. Et l'on tombe amoureux de l'admirable et touchante Daisy Ridley. Et de leurs personnages. C'est simple : on est content de voir les vieux mais on a très vite envie qu'ils laissent la place aux jeunes.

Prenant bien soin de ne pas se noyer dans le tourbillon de sa Mystery Box, Abrams dresse en quelques traits les origines de ses protagonistes, orphelins en quête d'une famille typiques de l'auteur, et en lieu et place des héros sans peur et sans reproches de la trilogie originale, il y a ce trio de personnages en proie à la peur. Finn et Rey donc, refusant l'appel à l'aventure comme il se doit, mais également Kylo Ren, un antagoniste bien moins maître de soi que Darth Vader. On n'est pas dans les blockbusters post-11 septembre d'il y a 10 ans (La Guerre des mondes, Batman Begins et...La Revanche des Sith, tous sortis en 2005) mais il est difficile de ne pas voir une résonance actuelle dans le film. Outre le Premier Ordre, qu'on peut apparenter à toute montée du fascisme, qu'il s'agisse des nazis d'antan ou de l'extrême-droite d'aujourd'hui, il y a, encore et toujours, l'opposition entre le Côté Clair et le Côté Obscur de la Force qui n'a plus d'analogie politique mais religieuse. Et dans cette optique, Kylo Ren fait figure d'islamiste radicalisé, vrillant les préceptes de son prophète disparu. Le Réveil de la Force est un passage de témoin, tantôt ludique mais surtout inquiet, d'une génération à une autre. Un retour jouissif dans un univers toujours aussi séduisant, dans son terreau thématique riche, dans ses personnages secondaires qui peuplent un monde, dans sa direction artistique, dans les sons de Ben Burtt... Le seul qui déçoit un peu, c'est John Williams. Même les films de la prélogie avaient chacun leur thème mémorable ("Duel of the Fates", "Across the stars", "Battle of the Heroes"). Quoiqu'il en soit, après cet Episode VII qui remake les trois précédents en un seul film (l'entrée en matière du IV, la deuxième moitié du V, la fin du VI) pour opérer la transition, on a hâte de voir ce que va en faire Rian Johnson (Looper). Son Episode VIII peut aisément être L'Empire contre-attaque de ce nouveau Nouvel espoir.

par Robert Hospyan

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