Soleil de plomb
Zvizdan
Croatie, 2015
De Dalibor Matanic
Scénario : Dalibor Matanic
Durée : 2h03
Sortie : 30/03/2016
Trois histoires d'amour se déroulent dans trois décennies successives dans deux villages croates marqués par la haine interethnique.
IDENTITE NATONALE
Soleil de plomb se divise en trois parties, toutes situées sur le même lieu, à trois décennies d’écart. Un découpage qui n’a rien d’anodin : le lieu en question, encore situé en pleine campagne yougoslave en 1991 se fracture par la suite en deux pays distincts : la Croatie et la Serbie. Chacune de ces parties prend l’exemple d’une histoire d’amour contrariée pour mieux raconter la haine inter-ethnique s’insinuant dans un même village, parfois une même famille, un même couple. Peut-il y avoir un amour sans frontière ? Dès la première histoire (en 1991, donc), les grands-mères du village sont formelles : winter is coming, c’est le diable lui-même qui est en chemin. Cela n’empêche pas deux adolescents de s’aimer et de rêver naïvement à un avenir commun. L’avenir du pays, que ce soit en 2001 ou en 2011, donnera amèrement raison aux oiseaux de mauvais augure.
Nous avions repéré le cinéaste croate Dalibor Matanic il y a quelques années, avec l’un de ses précédents films, Daddy. Matanic faisait mine d’y suivre les codes du film de genre (mi-thriller mi-horreur) pour y dépeindre un trauma familial. La démarche est en quelque sorte similaire dans Soleil de plomb. La première partie, particulièrement vivante, emprunte autant au récit naturaliste d’adolescence (et son spleen de fin d’été) qu’à la tragédie grecque (et son inéluctable violence). C’est sur une ambivalence similaire que l’ensemble du film se poursuit : chacun y est involontairement coupable, responsable de son passé, on y a même du sang sur les doigts, et pourtant l’amour revient. Comme un espoir ou une mauvaise herbe. Comme ce chien abandonné que l’on n'arrive plus à chasser. Un ton doux-amer bien particulier qui donne au film toute sa personnalité.
L’espoir illusoire laisse place à la gueule de bois puis à un hédonisme contemporain de façade, mais les cicatrices restent béantes, dans les paysages (furtifs mais très beaux) comme à l’intérieur de chacun. Matanic pousse le concept jusqu’à prendre pour chacune des trois parties la même paire de comédien. Sans tomber dans le gimmick, ce parti pris renforce le sentiment d’inéluctabilité, de cette violence reçue en héritage par chaque génération. Cela développe également une autre idée en filigrane. Que ce soit parce que les garçons ont la gâchette facile, parce qu’ils sont tous morts au combat ou parce qu’ils fuient la responsabilité de leurs ainés... au final, le plus grand perdant de chaque épisode est toujours la femme.