Shield of Straw
Ninagawa est un puissant homme politique japonais. Sa petite-fille est assassinée et le suspect se nomme Kunihide Kiyomaru. Un homme qui a déjà tué par le passé. Trois mois plus tard, Ninagawa décide de poster des annonces dans trois grands journaux, explicitant qu'il offre une très grande récompense à l'homme qui tuerait ce meurtrier. Craignant pour sa vie, Kunihide se rend à la police. Mais la récompense proposée par Ninagawa attire les foules... Ce qui ne facilitera pas le transfert du prisonnier.
COLIS SUSPECT
Les plus craintifs et suspicieux s'interrogeaient avant même la présentation en compétition à Cannes de Shield of Straw (Bouclier de paille), nouveau film de Takashi Miike. Trop série B, trop film de genre, comme quoi l'idée selon laquelle la compétition reste chasse gardée du drame labellisé est encore très ancrée. On se souvient par exemple d'une partie de la presse étonnée il y a deux ans que Nicolas Winding Refn gagne un prix de la mise en scène pour un film tel que Drive. Deux ans plus tard, plus personne ne se pose la question.
Loin de nous l'idée de comparer Drive au film de Miike, mais la question semblait persister à la sortie de la projection. Pour certains, parce qu'ils n'ont pas aimé le film (soit), pour d'autres encore parce que "trop série B", pas assez de sens. Pour notre part, on se réjouit de l'ouverture de la sélection à des genres différents: les auteurs s'expriment dans tous les genres, et ce n'est pas parce qu'il ne s'agit pas d'un drame fourni avec fiche de lecture thématique que Shield of Straw n'est pas digne de la compétition. A vrai dire, il s'agit à nos yeux d'un très bon thriller, qui se classe sans mal parmi les films les plus aboutis de son auteur.
Stakhanoviste, Miike a toujours été inégal. A ses débuts comme aujourd'hui, voir les écarts entre la très sage relecture Hara-Kiri, la sympathique comédie musicale Ai to Makoto ou l'épouvantable adaptation de jeu vidéo Ace Attorney. Ceux qui accusent le trublion Miike de se ranger oublient qu'il a depuis longtemps alterné projets zinzins et films plus classiques ou commandes. Qu'il y a un monde entre Bird People in China, Audition et ce Shield of Straw, et que ça ne date pas d'hier. Miike met tout son savoir-faire au service de ce dernier film: électrique, excitant, Shield of Straw exploite très efficacement son brillant pitch parano (la tête de l'ennemi public n°1, pourtant capturé par la police, est mise à prix, et le risque peut venir de toute part: d'une infirmière qui le soigne aux flics qui l'entourent).
S'ensuit une course-poursuite très nerveuse qui offre de beaux morceaux de bravoure (dont une longue séquence sur la route très tendue). Le style est sec mais le film sait rester fun: Shield of Straw est un film ludique et les voisins de Spielberg ont vu ce dernier sautiller de rire sur son siège. Miike trouve la juste mesure entre la dimension tragique du récit, ses dilemmes moraux, et son action divertissante, perverse et échevelée, empruntant autant de moyens de transports que les Cat's Eyes, et qui n'a pas forcément à rougir face à certains polars coréens qui ont régné sur les genre ces dernières années. L'écriture nécessite, certes, quelques petits sauts de foi qui seront les sauts de trop pour les vraisemblants. Pour les autres, ce thriller où se croisent héroïne à la Bigelow et couchers de soleil à la Tony Scott est un pur plaisir. Tant pis pour les ronchons qui l'ont houspillé en séance de presse.
Le Palmomètre: Pas évidente, la présence de Miike au palmarès. Au-delà des qualités ou défauts qu'on peut trouver au film, il ne correspond guère au profil des "films primés". Mise en scène ?