Deauville Asia: Ruin
Phirun et Sovanna, deux jeunes amants liés par un meurtre, décident de s’enfuir ensemble de Phnom Penh, la capitale cambodgienne gangrénée par la violence et la corruption. Inexplicablement attirés l’un vers l’autre, ils s’aventurent dans les profondeurs de la jungle. Au fil de leur errance, leur fragile amour se délie et fait ressurgir les traumatismes de leur vie passée et leur haine envers le monde…
BALADE SAUVAGE
Découvert l’an dernier à la Mostra de Venise, Ruin est un film qui, sur le papier, possède plus d’une singularité. Tourné à quatre mains, à la fois australien (par la nationalité des réalisateurs et producteurs) et cambodgien (par celle des acteurs et par les lieux de tournage), c’est aussi un film qui mélange urgence et torpeur. Tout commence par une violence urbaine qui pousse les deux protagonistes à fuir un quotidien devenu menaçant. La violence est là, et pourtant il y a dès les premières scènes une manière de ne pas y aller de main morte avec les ellipses. Une quasi-absence de dialogues et d’évènements narratifs à proprement parler, que l’on retrouve dans tout le reste du film. Les protagonistes sont en cavale, s’enfuient dans la jungle, ne croisent presque personne, n’ont pas besoin de mots pour tomber amoureux. Pourtant Ruin n’est pas vraiment contemplatif, et n’est pas à ranger dans la grande famille des films-d’Asie-du-sud-est-dans-la-forêt. Le long métrage se situe plutôt dans un étrange entre-deux : la caméra ne se pose jamais vraiment, comme si elle voulait elle aussi s’enfuir, et pourtant on ne peut pas dire qu’il se passe quoi que ce soit ou que le film évolue. Certaines images proches de l’abstraction (silhouettes se détachant devant un feu ou devant les étoiles) font mouche, mais disparaissent aussi brutalement qu’elles sont apparues. Trop dilué dans sa lenteur pour être grand public, mais pas assez poussé pour être franchement radical, Ruin offre une proposition de mise en scène intéressante mais encore inaboutie.