Retour à Forbach
Régis Sauder revient dans le pavillon de son enfance à Forbach. Il y a 30 ans, il a fui cette ville pour se construire contre la violence et dans la honte de son milieu. Entre démons de l'extrémisme et déterminisme social, comment vivent ceux qui sont restés ? Ensemble, ils tissent mémoires individuelles et collectives pour interroger l'avenir où la peur semble plus forte que jamais.
PEUR SUR LA VILLE
Remarqué en 2009 avec son documentaire Nous, princesses de Clèves, le cinéaste français Régis Sauder (lire notre entretien) fait un retour aux sources avec son nouveau documentaire, intitulé Retour à Forbach. Il revient sur les terres de sa jeunesse et confesse: "Je filme pour me souvenir". Le souvenir est une clef dans Retour à Forbach: on se questionne sur ce qui a poussé aujourd'hui les ouvriers à basculer vers le FN, on s'interroge sur ce vote nationaliste qui constitue aussi un refus de se souvenir de l'histoire régionale. Sauder a commencé à filmer en 2014, observant la progression du parti d'extrême droite.
Dans ce journal intime, le cinéaste revient en arrière et prend du recul. S'il interroge aussi la tenancière du bar du coin sur ce qui se déroule sous nos yeux ou derrière les portes, Sauder se replonge dans ses propres souvenirs: comment il a pu avoir honte de son milieu, comment on assume sa pauvreté et la honte qui va avec, comment il a pu comme d'autres avoir envie de quitter Forbach. Il capture avec sa caméra des décors vidés, lugubres, vieilles boutiques fermées, des affichages pourris et déchirés. On se souvient de ce déterminisme qui faisait des garçons des mineurs et des filles des vendeuses. Sauder raconte l'absence de reconversion après la désertion des mines - et la désertion générale de la ville.
Dans ce décor vide fleurissent les drapeaux aux fenêtres. Des villages qui n'ont jamais vu passer d'étranger votent pour des partis racistes. Sauder se souvient de l'heure de gloire des "gros cons" au collège - cette brutalité dans la cour d'école qui est désormais la brutalité d'un discours politique. Certains intervenants espèrent, d'autres donnent à espérer. Mais le constat ici est cruel: le film fait le portrait glaçant d'une population entière qui, comme sa ville, a été exploitée avant d'être abandonnée.