Rabbit Hole
États-Unis, 2010
De John Cameron Mitchell
Scénario : David Lindsay-Abaire
Avec : Aaron Eckhart, Nicole Kidman, Sandra Oh, Dianne Wiest
Photo : Frank DeMarco
Musique : Anton Sanko
Sortie : 13/04/2011
Huit mois après la disparition de leur fils, Becca et Howie redonnent peu à peu un sens à leur vie. Howie tente de nouvelles expériences tandis que Becca préfère couper les ponts avec une famille trop envahissante...
LE TERRIER
L’annonce du projet d’adaptation de Rabbit Hole (pièce lauréate du prix Pulitzer) par John Cameron Mitchell, qui s’est fait connaître avec des films comme Hedwig and the Angry Inch et Shortbus, pouvait surprendre. Un peu comme Gregg Araki a surpris son monde, il y a quelques années, en insérant un Mysterious Skin entre, au hasard, The Doom Generation et Kaboom. A y regarder de plus près, ce choix ne semble plus si étonnant. Shortbus, entre deux scènes de cul, portait déjà en lui une certaine puissance mélodramatique, mise à nu dans Rabbit Hole. Et comme le cinéaste l’explique lui-même, Hedwig, Shortbus et Rabbit sont des « histoires dans lesquelles les gens sont murés à l'intérieur d'eux-mêmes et tentent de communiquer. Tous mes films ont ça en commun (…) ». Hedwig, femme murée dans un corps d’homme, les personnages de Shortbus, murés par leurs hantises sexuelles, ou Becca, murée par le deuil. La forme est plus classique mais John Cameron Mitchell est là.
Rabbit Hole compte sur deux forces : la qualité de son écriture et la puissance de son interprétation. David Lindsay-Abaire signe l’adaptation de sa propre pièce. Et s’il n’évite pas quelques tics du théâtre américain, le scénario construit des personnages complexes, des relations ambiguës qui ne sont jamais marquées par l’évidence. Une douleur folle mais pas de dolorisme. Dans ce film poignant aux couleurs pastel, au ton doux-amer, la présence de Dash Shaw au générique n’est pas un hasard. Auteur de comics (les chefs d’œuvre Bottomless Belly Button et plus récemment Body World), Shaw dessine ici la bd de l’ado avec qui Becca lie une étrange relation. On retrouve déjà chez l’auteur, surtout dans Bottomless Belly Button, une profonde mélancolie alliée à une curieuse légèreté, un goût pour les nœuds familiaux. Rabbit Hole n’a certes pas la folie de Dash Shaw, mais il en a l’acuité, le scalpel et la subtilité.
Et puis il y a Kidman. Impressionnante une fois de plus, au point qu’Hollywood s’est souvenu à nouveau d’elle lors des derniers Oscars, après quelques années de backlash (mais Hollywood comme plein de gens adore adorer puis détester et adorer à nouveau). Au-delà de son interprétation, qui la voit revenir à plus de simplicité physique, ses cheveux un peu roux, frisés, de son début de carrière, c’est le personnage Kidman qui fascine, elle qui, de cinéastes et univers très différents, continue de creuser ses obsessions, ici ce thème de maternité contrariée qui, en plus du sous-texte autobiographique, constitue un cordon dans sa filmographie, de Malice à Birth en passant par Les Autres. Sans réaliser, ni écrire (même si elle occupe sur Rabbit Hole la place de producteur), elle fait partie de ces rares acteurs dont le parcours d’interprète est aussi un parcours d’auteur.