Quelques minutes après minuit
A Monster Calls
Espagne, 2016
De Juan Antonio Bayona
Scénario : Patrick Ness
Avec : Felicity Jones, Toby Kebbell, Liam Neeson, Sigourney Weaver
Photo : Oscar Faura
Musique : Fernando Velazquez
Durée : 1h48
Sortie : 04/01/2017
Pour échapper à son quotidien se partageant entre la maladie de sa mère et les humiliations répétées de ses camarades de classe, un jeune garçon se réfugie dans un monde imaginaire digne des contes de fées, où il est question de courage, de perte et de foi.
L'ARBRE, LA MÈRE ET LA MÉDIATHÈQUE
Après avoir fait son L'Échine du Diable et son Empire du Soleil, Juan Antonio Bayona revient avec un film rappelant autant Guillermo del Toro que Steven Spielberg, son premier producteur et son prochain. Comme un croisement entre E.T. et Le Labyrinthe de Pan, dont il récupère par ailleurs l'équipe artistique, Quelques minutes après minuit partage également quelques points commun avec Le Bon Gros Géant, qu'il s'agisse de la relation entre un enfant et un géant, même si ce dernier ressemble ici à l'enfant caché d'Optimus Prime et Sylvebarbe, ou du rapport aux histoires. Toutefois, derrière sa thématique la plus évidente, c'est plus largement d'enfance que traite Bayona, et ce de façon plus exhaustive que dans ses deux premiers longs métrages, dont on retrouve certains motifs.
Une fois de plus, la mort vient hanter de son spectre la relation entre une mère et son fils. Dans L'Orphelinat, le spectre était littéral et le surnaturel indéniable. À l'inverse, The Impossible s'inspirait d'une histoire vraie et s'inscrivait donc dans une réalité mais dans la même horreur. Si Quelques minutes après minuit flirte avec l'épouvante et se colore de fantastique, le spectre de la mort prend cette fois-ci la forme de la maladie et se fait donc on ne peut plus réel. Et Bayona de définir la véritable horreur, au coeur de tous ses films, comme étant l'angoisse de la séparation. Peur inhérente au plus jeune âge, même lorsque la mort ne joue aucun rôle, elle est la principale source de préoccupation qui anime les protagonistes enfants dans l'oeuvre du cinéaste. Néanmoins, pour la première fois, il est question d'acceptation de cette séparation.
Et la réponse prend la forme de l'imagination, celle qui donne naissance à des dessins, celle qui donne naissance à un monstre, qui raconte des histoires. Ainsi ces contes, au même titre que le film et donc évidemment l'art en général, sont vecteurs de la vérité. Quelle que soit la forme qu'ils prennent, aquarelle ou celluloïd, ils sont autant de métaphores et de leçons à tirer mais ici les leçons ne sont jamais simples. Aucune ne se conclue avec "la morale de cette histoire". Au contraire, c'est leur ambivalence qui informe le parcours du personnage. Tout n'est pas bien qui finit bien, la justice n'est pas automatique et c'est avec la même véracité que Bayona parle non seulement de peur de la séparation et d'imagination mais également d'égoïsme et d'éducation, de l'intérêt des punitions à la transmission d'une passion, d'un savoir, d'un art. En somme, c'est toute l'expérience de l'enfance, traumatisante et formatrice, rêveuse et cauchemardesque, qui est encapsulée dans Quelques minutes après minuit dont la densité n'a d'égal que sa beauté, de forme comme de fond. Avec ce film, Bayona concilie les différents pans du cinéma déjà abordés dans sa courte carrière, mêlant le concret à l'imaginaire, sa mise en scène tour à tour aussi enragée que son monstre d'écorce et à fleur de peau comme son monstre de chair.