Possédée
Possession (The)
États-Unis, 2012
De Ole Bornedal
Scénario : Juliet Snowden, Stiles White
Avec : Jeffrey Dean Morgan, Kyra Sedgwick
Photo : Dan Laustsen
Musique : Anton Sanko
Durée : 1h32
Sortie : 26/12/2012
Clyde et Stephanie Brenek ne voient pas de raison de s’inquiéter lorsque leur fille cadette Em devient étrangement obsédée par un petit coffre en bois acheté lors d’un vide grenier. Mais rapidement, son comportement devient de plus en plus agressif et le couple suspecte la présence d’une force malveillante autour d’eux. Ils découvrent alors que la boîte fut créée afin de contenir un Dibbuk, un esprit qui habite et dévore finalement son hôte humain.
L’EXORCISME POUR LES NULS
Existe-t-il parmi les sorties récentes une œuvre avec moins d’originalité et de personnalité que Possédée ? Non pas que le film soit irregardable, ce n’est même pas le pire film d’horreur sorti cette année (ce prix revenant au ridicule Devil Inside), mais il combine tout ce qui ne va pas dans le mauvais cinéma d’horreur contemporain. Imaginez l’histoire d’une famille devant faire face à la possession de l’une de ses filles et vous aurez sûrement deviné par avance ce catalogue de scènes déjà vues et d’idées paresseuses: la famille forcément dysfonctionnelle, le vieil universitaire à qui l’on va demander conseil, la recherche internet sur le démon concerné (cliché plus récent qui n’est qu’une redite du précédent exemple), les dépositaires religieux avouant leur réticence, etc… Une liste longue comme le bras de clichés, reliés entre eux par des raccourcis faciles et autres incohérences (pourquoi les parents mettent-ils aussi longtemps à réagir ?). Et comme si ce scénario n’avait pas déjà l’air de sortir d’une photocopieuse, Possédée fait également preuve d’un anonymat désolant dans sa mise en scène. L’omniprésence de la musique parvient à gâcher toutes les surprises (chaque sursaut est annoncé par une hausse du niveau sonore) et reflète surtout une peur immature du moindre silence, du moindre temps mort, en un mot de laisser place à l’appréhension. Le film entier ne finit par ressembler qu’à une copie de copie de film sans caractère, comme un énième menu McDo : certes passe-partout et d’une familiarité peut-être réconfortante, mais surtout fade et inconsistant. Mais il y a encore pire.
Lors d’une des premières scènes-choc, la jeune héroïne attaque son père d’une manière qu’on ne dévoilera pas, mais le cadrage est tel que toute blessure et toute trace de sang reste hors champ. Difficile de ne pas le remarquer, et encore plus difficile de comprendre cette décision. Et tout le reste du long métrage fonctionne sur le même principe, sur cette manière assez énervante de ne pas y toucher. Pas une goutte de sang, pas de véritable scène d’horreur (à moins que vous ayez une peur panique des papillons), Possédée fait partie de ces films qui pensent que pour faire du fantastique il suffit de faire sursauter les spectateurs de manière hystérique à grand coup de bruitages violents et de personnages qui surgissent dans le champ de la caméra. Dans une autre scène le père gifle sa fille et celle-ci réagit de manière aussi outrée et traumatisée que s’il venait de lui éjaculer à la figure. Ce n’est pas tant la disproportion de sa réaction (et celle de la mère, anéantie comme s’il venait de la vendre à des pédophiles) qui est ridicule, c’est surtout cette pudibonderie mal placée qui choque. Non seulement il ne reste plus rien de subversif, mais la morale se trouve même brossée dans le sens du poil, culminant dans un happy end où la religion se révèle bien évidemment supérieure à la science. On croit rêver. On voudrait nous faire croire que Possédée est un film d’horreur tout public (merci d’ailleurs au producteur américain d’avoir charcuté le film au montage pour s’assurer un public le plus large possible) ? Un film d’horreur qui se dédouane de toute scène subversive en les gardant bien hors champ ne mériterait pourtant même pas d’être appelé ainsi. En clair : si vous n’avez pas les couilles de faire du fantastique, n’en faites pas.