Pieta
Corée du Sud, 2012
De Kim Ki-Duk
Scénario : Kim Ki-Duk
Durée : 1h44
Sortie : 10/04/2013
Abandonné à sa naissance, Kang-do est un homme seul qui n’a ni famille, ni ami. Recouvreur de dettes sans pitié et sans compassion, il menace ou mutile les personnes endettées dans un quartier destiné à être rasé. Un jour, Kang-do reçoit la visite d’une femme qu’il ne connaît pas et qui lui dit être sa mère. Pour la première fois de sa vie, le doute s’installe en lui…
MÈRE SÉVÈRE
On avait laissé Kim Ki-Duk dans un sale état après Arirang, carnet de bord totalement dépressif d’un créateur à la dérive. Une dizaine de mois après la projection cannoise d’Arirang, le réalisateur frappait fort à la Mostra de Venise en remportant avec Pieta le premier Lion d’or pour la Corée. Pieta remet les pendules à l’heure chez ce cinéaste prolifique dont l’inspiration a commencé à faiblir après, disons, la doublette Locataires/Samaria en 2004. Le nouveau Kim Ki-Duk retrouve le venin de ses œuvres fortes, et si son film le plus connu en France (Printemps, été, automne, hiver… et printemps) peut aussi être vu comme un joli calendrier exotico-zen, il y a toujours eu au cœur de son cinéma une violence et une cruauté, des marginaux et des damnés (Printemps, été… compris). Le héros nihiliste et enragé de Pieta n’est pas si éloigné du personnage principal de Crocodile, premier film de Kim. Aucun affect, une haine comme moteur, seul comme une pierre, et des mains dans la gueule à distribuer.
Le chemin de Kang-Do va croiser celui d’une mystérieuse femme, une tache rouge comme sa robe et ses lèvres qui apparait dans les rues grises et tortueuses. Mi-Sun prétend être la mère de Kang-Do, abandonné à la naissance. Chez d’autres, cette rencontre dans un univers délabré, pourri par l’argent, serait l’amorce d’une rédemption. Chez Kim Ki-Duk… pas vraiment. Le réalisateur a parfois laissé une porte ouverte pour ses personnages, une lueur d’espoir même si la vie, chez Kim Ki-Duk, n’a jamais ressemblé à une partie de bowling dans Le Miel et les abeilles. Pieta ferme les portes et il faut le savoir, car ce bloc de désespoir ne laissera pas tout le monde indemne. Mais le film tire une force indéniable de ce désenchantement.
Lorsque Pieta laisse deviner une rédemption, celle-ci tourne court. Quand la famille est recréée, on assiste rapidement à une parodie de famille. Lorsqu’on regarde la ville au loin, on ne voit plus que des machines, et une croix rougeoyante, avalée par les bâtisses. L’imagerie religieuse (et, en particulier, chrétienne) est, de Samaria à Pieta, manipulée, employée de façon ambiguë. La Mater Dolorosa n’est pas forcément ici celle que l’on croit. Cette dimension tragique, Kim Ki-Duk l’avait un peu perdue dans ses derniers longs métrages. Et même s’il y a dans Pieta quelques problèmes d’écriture, ce nouveau film est un retour assez impressionnant, une trainée de sang dessinée sur le bitume d’une ville sans espoir.