Pater
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France, 2011
De Alain Cavalier
Scénario : Alain Cavalier
Avec : Alain Cavalier, Vincent Lindon
Durée : 1h45
Sortie : 22/06/2011
Pendant un an ils se sont vus et ils se sont filmés. Le cinéaste et le comédien, Le président et son 1er ministre, Alain Cavalier et Vincent Lindon. Dans Pater, vous les verrez à la fois dans la vie et dans une fiction qu’ils ont inventée ensemble.
LA CHOSE PUBLIQUE
Alain Cavalier utilise à nouveau les procédés narratifs singuliers (et au singulier) de ses précédents films, Le Filmeur et Irène (tous deux présentés à Un Certain regard), à la différence près qu’il s’en sert ici pour raconter quelque chose d’à priori moins intime : un jeu de rôle qu’il effectue avec l’acteur Vincent Lindon où chacun va jouer une campagne présidentielle fictive. Moins intime ? Pas si sûr que ça, car le mélange docu/fiction attendu est évidemment tout sauf clairement délimité. Après une introduction explicative du projet par les deux compères (que l’on devine déjà « jouée »), la suite du film les voit uniquement évoluer dans les rôles qu’ils se sont attribués : le président et son premier ministre. Est-ce uniquement de la fiction ? Non plus, car rapidement, tous leurs discours, leurs projets de lois, leurs idées pour changer la société… on se doute bien qu’elles sont (ou deviennent) celles d’Alain Cavalier et de Vincent Lindon, et non pas juste celles de personnages fictifs. Dès lors, le film fonctionne comme le témoignage à la fois drôle et intelligent de la construction d’une utopie sociale. Retour au cours d’éducation civique et à la question que tout le monde s’est déjà posée « et si j’étais président, je ferais quoi ? ».
Mais Pater montre aussi indirectement que l’utopie ne peut pas tenir la route face au réel, même dans le cadre d’une fiction improvisée. Les deux zigotos se retrouvent en effet vite obligés de faire appel à d’autres protagonistes pour continuer à faire vivre leur histoire. Mini-vertige excitant de voir les créateurs se retrouver pris au piège de leur fiction, au point d’en être contrariés, et qu’elle devienne source de tensions. Car quand la fiction tire sur sa laisse et s’échappe, c’est un rapport père/fis plein de tension et de refoulé qui vient peu à peu pointer le bout de son nez, jusqu’à prendre toute la place. Une soudaine mise à nu involontaire des deux protagonistes, presque trop belle pour être vraie et pour ne pas avoir été prévue dès le départ… Qu’importe, car si Pater est un film qui, par sa forme extra-terrestre, appelle sans cesse l’analyse, il n’en souffre paradoxalement pas et reste drôle et surtout très léger. Relativement accessible en somme, même si on reste néanmoins dubitatifs sur ce qu’en penserait un public qui ne connaitrait pas le travail d’Alain Cavalier…
