PIFFF 2011: le bilan!
PIFFF, clap de fin. La première édition du Festival du film fantastique de Paris s’est achevée ce dimanche. Les espoirs étaient grands. A l’arrivée, une douche froide. FilmDeCulte fait le bilan.
PLOUF
L’annonce d’un festival à Paris consacré au cinéma fantastique en a réjoui plus d’un (dont nous !). La programmation était alléchante. A l’arrivée, un franc succès public (salles généralement pleines pour un genre de plus en plus confiné aux vidéoclubs – qui d’ailleurs n’existent plus) et un jury qui se dit heureux du niveau de la compétition (même s’il s’agit là du discours d’à peu près tous les jurys de la Terre, hormis Patrice Chéreau qui, à Cannes 2003, ronchonne sur la sélection, et ne récompense ni Dogville, ni Mystic River, ni The Brown Bunny ni Shara pour filer deux prix aux Invasions barbares - cqfd ?). Sur sa page Facebook, l’équipe du festival annonce un succès TOTAL (notez l’emploi des lettres capitales, n’allez pas leur dire que vous n’êtes pas d’accord). Succès total, vraiment ?
On a beaucoup parlé des grincements de dents qu’aurait provoqué la création d’un nouveau festival consacré au fantastique, deux mois seulement avant la grand-messe de Gérardmer. On peut aussi se réjouir de voir mis à l’honneur un genre qui se fraye plus difficilement que d’autres un chemin vers nos salles. Plus de propositions pour plus de diversité ? Pas vraiment. La compétition 2011 du PIFFF, le cœur du programme, n’a à peu près rien proposé de radical ou de polémique, comme le font régulièrement une manifestation cousine comme l’Etrange Festival, ou la grande sœur de Gérardmer. Plutôt une opération flatte-fans qui a semble t-il, et c’est déjà une qualité, réussi. La seule proposition vraiment radicale et/ou neuve vient du gagnant Bellflower. Quoiqu’on pense du film, il est toujours très triste de voir, comme ça arrive parfois, dans une manifestation censée célébrer le fantastique, un gagnant qui justement… ne l’est pas. L’argument pré-apocalyptique est survendu (et en quoi ça en ferait un film fantastique ?), la référence claironnée à Mad Max est anecdotique et le long métrage est un pur film indépendant racontant une histoire d’amour, même pas un film de genre. Sans s’agripper à une définition tatillonne du fantastique, on a du mal à voir ce que le film faisait là.
Six films anglo-saxons, deux films espagnols, un numéro complémentaire allemand. Aucun asiatique, et que des nationalités (moins une) déjà bien digérées par le public visé. Pour la prise de risques et la découverte, on repassera. Mais c’est surtout le manque d’ambition et d’exigence qui pose problème. Une bonne partie des longs métrages sélectionnés souffrent des mêmes défauts, films qu’on présente comme hybrides alors qu’ils assemblent juste différentes idées mal écrites, qui ne s’articulent pas entre elles (Cassadaga et surtout A Lonely Place to Die) ou films paresseux et/ou fauchés qui se contentent de donner dans la référence immature pour faire illusion (l’atrocement mal écrit Blind Alley ou le soporifique Masks). La belle époque du giallo, c’est formidable. Masks rend hommage au giallo. Donc Masks est formidable ? Difficile en tout cas pour nous de passer sur les faiblesses de mise en scène et d’écriture pour ce tout petit film tourné pendant les vacances (et par ailleurs, il était assez ironique de voir le prix du public aller à Masks… l’un des très rares films dont la salle était très clairsemée). On a souvent eu le sentiment que, comme pour le plus conventionnel des cinémas de papa, le sujet primait sur le traitement. A Lonely Place to Die, vendu comme un The Descent en varappe, vous donnera le vertige. Pas grave si ledit segment en montagne est en fait réduit à portion congrue dans le film.
OUF...
Il y a eu pourtant, sisi, quelques raisons de se réjouir. En tête et loin devant, la confirmation du talent de Ti West avec The Innkeepers. Après un premier archétype admirablement exploré (une babysitter se retrouve dans la maison du diable) dans House of the Devil, West remet ça (un hôtel abandonné, hanté par… vous verrez bien) avec une classe folle. Pas de recyclage mais un affinement de son art, une maîtrise formelle, une maturité d’écriture, des références digérées, des personnages intéressants, un talent évident pour le périlleux basculement d’un genre à l’autre. Bref, à peu près l’opposé de tous les autres films en compétition. Malheureusement ignoré au palmarès, on espère un repêchage à Gérardmer, ce grand petit film le mérite entièrement. Autre bonne nouvelle : Detention de Joseph Kahn, flamboyant film de clôture. Sorte de copier-coller du Kaboom de Gregg Araki qui serait passé à la moulinette de Scott Pilgrim de Edgar Wright, Detention, comédie absolument réjouissante et totalement barrée, fait preuve d’une inventivité épileptique qui ne manquera pas de faire vomir certains. Mais c’est justement pour ce type de propositions extrêmes qu’on est venu. Pitié, une sortie salles, vite !
Côté hors compétition, Malveillance de Jaume Balaguero a fait une ouverture tout à fait honnête. Mais c’est surtout la présence des deux vieux lions, John Carpenter et Abel Ferrara, qui était attendue. La sélection du Carpenter, selon l’équipe du festival, était politique, une façon de réagir sur la non-distribution de The Ward en salles. 4:44, Last Day on Earth de Abel Ferrara n’a pour le moment pas de distributeur non plus, malgré son nom (mais ses derniers films n’ont pas connu les joies des salles) et son sujet fashion (l’apocalypse). Le long métrage, imparfait mais pas inintéressant, qui mêle moments creux et saillies viscérales (quand il ne s’agit pas d’un très délicat montage d’images façon hommage involontaire à Earth Song), n’est certes pas évident à vendre.
Qu’attendre pour l’an prochain ? Le PIFFF semble avoir le lieu et les moyens pour faire bien. La cuvée 2011 a montré les limites criantes d’un comité de sélection réduit à une personne (Fausto Fasulo, rédacteur en chef de Mad Movies). Malgré la déception de cette année, on souhaite évidemment une plus belle édition pour 2012. Et moins de retards. Et, si possible, une bande annonce qui spoile un peu moins sur les films présentés (tiens, et si on prenait tous les plans « révélateurs » de Innkeepers pour les mettre dans la bande annonce du festival, diffusée avant chaque film, hein ?).