Oscar 2012 du meilleur film en langue étrangère: premiers pronostics
La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli a été choisi pour représenter la France aux Oscars 2012. Alors que tous les candidats sont désormais connus, FilmDeCulte fait le point sur la course à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère!
L’ETAT DES LIEUX
Tout d'abord, un petit jeu. Qui, parmi vous, se souvient de Princesse Mononoké? Des Fleurs de Shanghai, de Rosetta, de In the Mood for Love? De La Pianiste, de La Chambre du fils, de La Cité de dieu, de 8 femmes, de Devdas, de Oasis, de Printemps, été, automne, hiver... et printemps, du Retour, de Nobody Knows, de Caché, de La Mort de Dante Lazarescu, de La Saveur de la pastèque, de Black Book, de Persépolis, de De l'autre côté, de 4 mois 3 semaines 2 jours, de Secret Sunshine, de L'Orphelinat, de Mother, de Des hommes et des dieux, de Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures?
Maintenant, un peu plus dur. Parmi vous, qui se souvient de L’Envers du dimanche, des Secrets du cœur, de El Abuelo, de Solomon & Gaenor ? De Under Solen, de Musime si pomahat, de Zus & Zo, de Twin Sisters, de Zelary, de As it is in Heaven ou de Yesterday?
Allons, enfin, un peu plus loin. Qui parmi vous se souvient de Karakter ? De Kolya ? Des Faussaires, de Mon nom est Tsotsi, de Nowhere in Africa ?
La première liste est une sélection de films envoyés aux Oscars ces 15 dernières années mais qui n’ont pas été sélectionnés parmi les 5 nommés. La seconde est un florilège des valeureux nommés sur la même période. La troisième rassemble quelques exemples de « gagnants ». L’Oscar du meilleur film étranger est devenu, peu à peu, un triste symbole de la fermeture américaine (disons hors NY et LA) pour, en gros, le film sous-titré, qu’un panel de votants va voir en se pinçant le nez. Un panel que les mauvaises langues disaient si rétréci que les possibilités de lobbying ainsi facilité étaient largement évoquées ces dernières années, expliquant certaines présences surprenantes dans la shortlist. On se retrouve, en gros, avec une idée absolument vieillotte du film étranger vu par l’Académie : mélo avec des enfants et du souffle de l’histoire pour la vieille vieille Europe, du costume esthétisant pour l’Asie, et surtout du cinéma du milieu. Tendance milieu flasque. Un peu comme si une cérémonie en Europe réservait une catégorie du meilleur film américain, que The Social Network, Black Swan ou The Tree of Life étaient boudés pour faire place à De l’eau pour les éléphants, Le Complexe du castor ou Le Chaperon rouge. On se souvient qu’après l’éviction notamment de 4 mois 3 semaines 2 jours, donné favori outre-Atlantique mais finalement oublié avant même les nominations, et ce au profit de soupes signées par des tacherons, des dents avaient grincé et des ajustements avaient été opérés au niveau des règles. Ils sont en tout cas encore 63 cette année à tenter leur chance.
LES FAVORIS
A ce stade, alors qu’aucun prix n’a encore été décerné sur le sol américain cet automne (et on sait que la saison des prix est longue), qui sont les favoris ? Selon les observateurs Oscar, deux noms se détachent pour le moment : Et maintenant, on va où? de Nadine Labaki et Une séparation de Asghar Farhadi. Labaki a créé la surprise au Festival de Toronto en remportant le prix du public face, notamment, à The Artist, annoncé gagnant depuis le début. Toronto n’a pas de compétition mais ce prix du public est très régulièrement allé à un film qui a eu ensuite un fort rayonnement sur la saison des prix et aux Oscars. Pour donner une idée, les trois derniers lauréats étaient Le Discours d’un roi, Precious et Slumdog Millionaire soit, tout simplement, deux gagnants de l’Oscar du meilleur film et un nommé. Labaki ne vise pas si loin, seulement l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Ce prix lui a apporté toute l’exposition dont le film, au sujet fort et qui a les moyens de plaire à un large public, a besoin pour se faire une place dans la course. L’autre favori, Une séparation, a été montré avec succès aux festivals de Telluride et de New York. Son buzz est géant, un peu comme partout, et la victoire d’un film iranien pourrait être symbolique (nb : et les Oscars adorent les symboles).
LES CHALLENGERS
Quels seraient les challengers ? L’exercice est acrobatique puisque nous n’en sommes qu’au début de la saison Oscar mais regardons les candidats de plus près. A Cannes, Le Havre du Finlandais Aki Kaurismaki est probablement le film qui a fait le plus l’unanimité. Kaurismaki n’est pas un inconnu de l’Académie puisqu’il a déjà été nommé pour L’Homme sans passé. Certains critiquent ont évoqué Chaplin pour parler du film, le genre de référence qui ne devrait pas laisser insensible le public américain. On a en tout cas là du vrai crowd-pleaser et le votant aura ce qu’il est venu chercher: de l’émotion. Autre gros morceau: In Darkness, de la Polonaise Agnieszka Holland. Le film ne vous dit peut-être rien, il n’est d’ailleurs pas sorti en France, mais possède de sérieux arguments. Agnieszka Holland a déjà été nommée aux Oscars (scénario pour Europa, Europa, film étranger pour Amère récolte) et travaille aux Etats-Unis depuis des années (encore une fois, dans une course avec autant de films et peu de visibilité, avoir un nom « connu » est un plus). Le film a trouvé un certain écho lors de ses présentations à Telluride puis Toronto. Et puis surtout, il a le sujet préféré des votants aux Oscars : des enfants + des réfugiés juifs + des nazis + de la Seconde Guerre Mondiale. Il ne manque plus que quelques plans sur des aristos anglais pour que des votants ne s’évanouissent de bonheur dans la salle.
Parmi les autres sérieux challengers, la rumeur est flatteuse pour la Norvège et le Mexique. Happy, Happy de Anne Sewitsky a remporté le Grand Prix à Sundance cette année, dans la catégorie film étranger. De plus, il s’inscrit dans une veine nordique (appellation un peu fourre-tout, on en convient) qui a souvent charmé les votants: ces 10 dernières années, Suède, Danemark, Norvège et Finlande cumulent en tout six nominations pour un Oscar, obtenu l’an passé par Revenge de Susan Bier. Le long métrage, charmant mais pas forcément extraordinaire, est fédérateur et facile à aimer. Attention néanmoins à ne pas aller trop vite, Happy Happy est sorti mi-septembre aux États-Unis et ses résultats sont pour le moment plus que discrets. Pour le Mexique, Miss Bala de Gerardo Naranjo semble également avoir été remarqué par la presse américaine. Sa présentation à Toronto et New York (un excellent enchainement pour que le film soit vraiment vu) a fait du bruit, sa sortie ce weekend apportera de nouveaux indices. Difficile de passer à côté de la Chine cette année: avec The Flowers of War de Zhang Yimou, son budget aux épaules hollywoodiennes (100 millions de dollars, probablement autant que le budget de tous les autres candidats réunis), sa mégastar américaine et oscarisée (Christian Bale), son sujet historique et son réalisateur trois fois nommé aux Oscars, l’Empire du milieu en impose grave. Mais, contrairement aux films dont on a parlé jusqu’ici, il n’a à ce jour pas encore été vu, donc méfiance.
LES JOKERS
Dans cette course encore incertaine, d’autres pays ont également une carte à jouer. Pour des raisons plus ou moins sérieuses, mais des raisons quand même. Pina de Wim Wenders est un projet assez particulier (en 3D, par un réalisateur reconnu internationalement) pour attirer l’attention volatile des votants. On peut noter également, un vrai plébiscite récent des candidats germanophone : ces 5 dernières années, l’Allemagne et l’Autriche cumulent 5 nominations (7 si l’on pousse à ces 7 dernières années) et 2 Oscars (La Vie des autres et Les Faussaires). De quoi ajouter la candidature autrichienne, Atmen de Karl Markovics, dans la liste ? Des auteurs comme le Turc Nuri Bilge Ceylan (qui, en 2008, était dans la seconde liste grâce aux Trois singes, mais n’a finalement pas été nommé) avec Il était une fois en Anatolie, l’Israélien Joseph Cedar (nommé en 2007 grâce à Beaufort) avec Footnote, ou encore l’Italien Emanuele Crialese (non retenu en 2006 pour Golden Door) avec Terraferma, auront leur mot à dire. Les rumeurs de nombreuses sorties de salle avant la fin du film lors du Festival de New York n’aideront peut-être pas Cheval de Turin du Hongrois Bela Tarr, mais encore une fois, attention aux rumeurs (on imagine cependant assez mal Tarr en idole des Oscars). Face à ces noms connus, la surprise pourrait venir du relativement inconnu Philippe Falardeau, dont la comédie dramatique Monsieur Lazhar a été remarquée lors de sa sélection à Toronto. Un bis canadien après la nomination de Incendies ?
Il y a, enfin, les jokers qui clignotent pour des raisons plus vicieuses. On ne sait comment Omar m'a tuer de Roschdy Zem sera accueilli, mais voilà du film de procès, du film à thèse, tels que l’Académie les aime. Attenberg de Athena Rachel Tsangari, photocopie ratée du Canine de Yorgos Lanthimos, peut-il recréer la surprise énorme causée par la nomination de ce dernier ? Pain noir de l’Espagnol Agustí Villaronga, avec ses enfants (un point) et sa guerre civile (deux points) fera t-il oublier Almodovar ? La nounou vieillissante du Hong-Kongais A Simple Life, prix d’interprétation féminine à Venise, tirera t-elle une larme aux votants ? Suspens.
LA BELLE FRANCE
Et la France dans tout ça ? La tâche n’a pas dû être aisée pour les décisionnaires. Il n’y avait pas de vrai candidat Oscar évident cette année, soit du Oscar friendly pas nécessairement excitant (Les Femmes du 6e étage, Elle s’appelait Sarah), soit du film excitant mais pas pour les Oscars (L’Apollonide), soit du film qui sort trop tard selon les règles de l’Académie (Polisse, qui aurait dû sortir avant octobre pour être sélectionnable, mais qui n’était pas un choix évident non plus de toute façon). The Artist était dans le même cas que Polisse, en plus d’être probablement inéligible dans cette catégorie (film muet avec quelques rares répliques en anglais, mais pas de langue étrangère). La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli s’est donc imposé. Le film a-t-il une chance ? Si une grande partie du public a été émue sur la Croisette, si la même chose est arrivée en salles, l’effet pourrait se produire à nouveau outre-Atlantique. Le sujet va de toute façon chercher sa larme bien comme il faut. Mais peut-il gagner ? Difficile à dire. La forme pas très Oscar-material du film peut passer, à tort, pour un formidable-revival-nouvelle-vague qui parlerait déjà davantage à l’Académie. Elle peut aussi juste passer pour une faiblesse. Globalement, personne ne parle du long métrage parmi les premiers pronostics. Ce qui peut aussi être sa chance : être dans la rumeur trop tôt peut, on l’a vu, diminuer les chances au moment M. Mais on parle là d’une catégorie où il faut vite faire parler de soi sous peine d’être zappé (et on peut penser, éventuellement, que la Lituanie aura moins de chances d’être remarquée cette année que la Chine).
La France est adorée par les Oscars. Un récent article paru dans Le Nouvel observateur se lamentait du fait que la France n’a été nommée que 7 fois aux Oscars ces 12 dernières années. Ce qui montre un peu où se situe le complexe de supériorité de certains qui imaginent que la France ne peut pas ne pas gagner, et encore moins ne peut pas ne pas être nommée. Crime de lèse-majesté. Certes, le dernier gagnant remonte à 1992 (Indochine), mais aucun autre pays n’a été autant nommé sur cette période. Pourtant, avec une concurrence qui s’annonce si rude pour 2012, une place de Donzelli parmi les 5 constituerait une sacrée performance…
LES FILMS CHOISIS
Afrique du sud: Beauté de Oliver Hermanus
Albanie: Amnistia, de Bujar Alimani
Allemagne: Pina, de Wim Wenders
Argentine: Aballay, de Fernando Spiner
Autriche: Atmen, de Karl Markovics
Belgique: Bullhead, de Michael Roskam
Bosnie-Herzégovine: Belvedere, de Ahmed Imamović
Brésil: Troupe d'élite 2, de José Padilha
Bulgarie: Tilt, de Viktor Chouchkov
Canada: Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau
Chili: Violeta, de Andres Wood
Chine: The Flowers of War, de Zhang Yimou
Colombie: Les Couleurs de la montagne, de Carlos César Arbeláez
Corée du sud: The Front Line, de Jang Hun
Croatie: 72 Days, de Danilo Šerbedžija
Cuba: Habanastation, de Ian Padron
Danemark: SuperClásico, de Ole Christian Madsen
Égypte: Lust, de Khaled El Hagar
Espagne: Pain noir, de Agustí Villaronga
Estonie: Letters to Angel, de Sulev Keedus
Finlande: Le Havre, de Aki Kaurismaki
France: La Guerre est déclarée, de Valérie Donzelli
Géorgie: Chantrapas, d'Otar Iosseliani
Grèce: Attenberg, de Athena Rachel Tsangari
Hongrie: Cheval de Turin, de Bela Tarr
Hong Kong: A Simple Life, de Ann Hui
Inde: Adaminte Makan Abu, de Salim Ahamed
Indonésie: Under the Protection of Ka’Bah, de Hanny R. Saputra
Iran: Une séparation, de Asghar Farhadi
Irlande: As If I Am Not There, de Juanita Wilson
Islande: Volcano, de Rúnar Rúnarsson
Israël: Footnote, de Joseph Cedar
Italie: Terraferma, de Emanuele Crialese
Japon: Postcard, de Kaneto Shindo
Kazakhstan: Returning to the ‘A,, de Egor Mikhalkov-Konchalovsky
Liban: Et maintenant, on va où?, de Nadine Labaki
Lituanie: Back to your Arms, de Kristijonas Vildžiūnas
Macédoine: Punk's not Dead, de Vladimir Blazevski
Maroc: Omar m'a tuer, de Roschdy Zem
Mexique: Miss Bala, de Gerardo Naranjo
Norvège: Happy, Happy, de Anne Sewitsky
Nouvelle-Zélande: The Orator, de Tusi Tamasese
Pays-Bas: Sonny Boy, de Maria Peters
Pérou: Octubre, de Daniel et Diego Vega
Philippines: The Woman in the Septic Tank, de Marlon Rivera
Pologne: In Darkness, de Agnieszka Holland
Portugal: Jose and Pilar, de Miguel Goncalves Mendes
République Dominicaine: La Hija natural, de Leticia Tonos
République Tchèque: Alois Nebel, de Tomás Lunák
Roumanie: Morgen, de Marian Crisan
Royaume-Uni: Patagonia, de Marc Evans
Russie: Soleil trompeur 2 - Citadelle, de Nikita Mikhalkov
Serbie: Montevideo, God Bless You!, de by Dragan Bjelogrlić
Singapour: Tatsumi, de Eric Khoo
Slovaquie: Gypsy, de Martin Šulík
Slovénie: Silent Sonata, de Janez Burger
Suède: Beyond, de by Pernilla August
Suisse: Summer Games, de Rolando Colla
Taïwan: Seediq Bale, de by Wei Te-Sheng
Thaïlande: Kon Khon, de Sarunyu Wongkrachang
Turquie: Il était une fois en Anatolie, de Nuri Bilge Ceylan
Uruguay: La Casa muda, de Gustavo Hernandez
Venezuela: The Rumor of the Stones, de by Alejandro Bellame
Vietnam: Thang Long Aspiration, de Lưu Trọng Ninh