Nominations Oscars 2015: les gagnants et les perdants
Les nominations aux Oscars viennent d'être dévoilées. Quels sont les gagnants et les perdants à ce stade ? Gros plan.
Avec 6 nominations, le favori de la saison Boyhood obtient toutes les nominations auxquelles on s’attendait. Birdman et The Grand Budapest Hotel, 9 et 8 citations chacun, ont beau finir devant (essentiellement grâce aux catégories techniques), ils restent des challengers. Présences comme on s’y attendait également des attrape-Oscars Imitation Game, Une merveilleuse histoire du temps et du buzz grimpant de l’indé Whiplash. La nomination de Selma, dans le buzz depuis des semaines, était une demi-surprise à la fin de l’annonce des citations hier, car le film d’Ava DuVernay était absent de toutes les autres catégories principales annoncées auparavant. Le joker American Sniper d’Eastwood a fait strike avec 6 citations dont meilleur film.
Parmi les longs métrages qui ont échoué à se glisser dans la catégorie reine, Foxcatcher ne permettra pas à Bennett Miller de faire la passe de trois après Truman Capote et Le Stratège, tous les deux nommés en meilleur film. Plus curieux : Foxcatcher n’est pas retenu dans les 8 meilleurs films alors qu’il est dans les 5 nommés en meilleur réalisateur, meilleur scénario original et meilleur acteur. Gone Girl, probablement pas assez positif pour une Académie qui aime les films qui caressent les votants dans le sens du poil, n’a pas été retenu. Le méga-bingo attrape-Oscars Invincible d’Angelina Jolie n’aura lui pas fait illusion au-delà des citations techniques.
Du côté des acteurs, trois des favoris sont là : Benedict Cumberbatch pour Imitation Game, Eddie Redmayne pour Une merveilleuse histoire du temps et bien sûr Michael Keaton pour Birdman. Mais les observateurs Oscars, nombreux à donner Jake Gyllenhaal pour son rôle transformiste dans Night Call et David Oyelowo pour son incarnation de Martin Luther King dans Selma se sont plantés : c’est Steve Carell pour Foxcatcher et Bradley Cooper pour American Sniper qui ont été choisis. Carell, lui aussi transformé, recueille sa première citation. Cooper, acteur moyen du milieu, parvient à être nommé pour la 3e fois en 3 ans (!). Performance ? Oui. Mais rappelons que les deux derniers à avoir été nommés 3 fois en 3 ans étaient Russell Crowe et Renée Zellweger, ce qui relativise un peu l’exploit consistant essentiellement à être un chouchou de l’Académie.
La plus grosse surprise est venue chez les actrices. Les nommés étant annoncés dans l’ordre alphabétique, le suspens « qui sera nommée entre Amy Adams et Jennifer Aniston » a vite été par réglé car la première actrice citée par les speakers a été… Marion Cotillard, avec un C. S’il n’y a pas à être surpris de la citation de l’actrice française pour sa performance dans Deux jours, une nuit, la surprise est réelle car après l’élimination dès le premier tour du Dardenne dans la catégorie film étranger, on a conclu (un peu vite) que le film n’avait pas de soutien. Cotillard a été soutenue. Ses concurrentes, sans surprise cette fois, seront Rosamund Pike (Gone Girl), Felicity Jones (Une merveilleuse histoire du temps), Reese Witherspoon (Wild) et l’ultra-favorite Julianne Moore (Still Alice) qui devrait si tout va bien quitter l’infamant club des « mais pourquoi n’a-t-elle pas déjà gagné l’Oscar ? » dans lequel croupissent Sigourney Weaver, Glenn Close et autres Michelle Pfeiffer.
D’autres imprévus se sont invités lors de l’annonce des nominations, et on ne parle pas du pauvre directeur de la photographie Dick Pope rebaptisé Dick Poop par Cheryl Boone Isaacs, la présidente de l’Académie. Principale surprise, l’absence du favori en animation La Grande aventure Lego. « Ce n’est pas une tragédie » a commenté le co-réalisateur Phil Lord, ajoutant sans amertume mais avec une grande modestie : « félicitations à toute l’équipe qui a contribué à faire un classique ». En toute simplicité. La catégorie animation, contrairement à celle du meilleur film, est une catégorie où les votants, venant eux-mêmes de l’animation, sont obligés de voir tous les candidats. Un vote donc moins effectué à la roulette russe que dans la catégorie meilleur film où les œuvres peu vues n’ont pas de chance d’être nommées. Absence du Suédois Force majeure (Snow Therapy), dans le peloton de tête des favoris en films étrangers depuis le début de la saison, finalement dépassé par des films à gravitas (holocauste ! djihadisme ! politique russe ! paysans estoniens !) et Les Nouveaux sauvages dont le jeune réalisateur argentin se prépare probablement déjà aux remakes pourris qu’Hollywood va lui proposer (comme à tout réalisateur surcôté nommé dans cette catégorie depuis des années). Il y a néanmoins quelques heureux avec ceux qui sont nommés pour la première fois, parmi lesquels Patricia Arquette, sur laquelle l’Académie a enfin daigné lever les yeux après une filmographie et des prestations qu’elle aurait pu remarquer auparavant.
Au-delà des chiffres et du pur factuel, ce qui a beaucoup fait parler hier, c’est le sens de ces nominations. On ne se faisait pas d’illusion, cela a été confirmé hier : les Oscars sont avant tout le club des garçons blancs. Kathryn Bigelow a gagné en 2009 pour Démineurs ? Elle a été snobée pour Zero Dark Thirty trois ans plus tard, l’année où l’Académie est allée chercher Michael Haneke ou Benh Zeitlin (nominations qu’on ne remet pas en cause, mais elles constituaient une énorme surprise) ou a nommé David O. Russell pour Happiness Therapy ou Steven Spielberg pour Lincoln. Les Oscars ont sacré 12 Years a Slave l’an passé ? Cette année, outre sa belle nomination en film, Selma est largement zappé, au contraire d’autres biopic mettant invariablement en scène des hommes blancs. Aucun acteur noir n’a été retenu, ce qui n’est plus arrivé ces 15 dernières années. Aucune scénariste n’a été nommée non plus, la favorite Gillian Flynn ayant été zappée pour Gone Girl. Contrairement à ce qu’essaient de faire croire les esprits peu concernés par la question, la diversité n’est pas un deal, et personne n’impose de quota. Mais on a plusieurs exemples cette année de purs films à Oscars et le distinguo est facile à effectuer : le gros des nominations est pour les films « des mecs blancs », les films à actrices restent sagement dans la petite catégorie « actrices » et les réalisateurs ou acteurs noirs (voir pire cette année avec une réalisatrice noire !) auront bien ce qui reste. Comme il a été noté, les deux favoris d’une année peu encline à la diversité sont BOYhood et BirdMAN. A ce sujet, on vous invite chaudement à lire l’excellent article de l’Américaine Sasha Stone, spécialiste des Oscars et qui a beaucoup de choses intéressantes à vous dire ici.
Et pour ne rien manquer de nos news, dossiers, critiques et entretiens, rejoignez-nous sur Facebook et Twitter !