Deauville Asia: No Man's Land
Wu Ren Qu
Chine, République populaire de, 2014
De Ning Hao
Durée : 1h57
Un jeune avocat traverse le désert de Gobi et doit faire face à une série d'aventures et de défis.
LES SALAUDS
C’est l’année de la Chine à la Berlinale. Outre les nombreux longs métrages en sections parallèles, on ne compte pas moins de trois films rien que dans la compétition. Trois films très différents les uns des autres, « aussi divers que le cinéma peut l’être lui-même » nous disait le programmateur Dieter Kosslick dans notre interview. No Man’s Land est peut-être le plus inattendu de tous, et ce pour plusieurs raisons. D’une part Hao Ning ne fait pas partie des noms familiers du cinéma chinois contemporain tel qu’on le connait ici. Découvert par le Forum de la Berlinale il y a presque dix ans avec Mongolian Ping Pong, ses films se sont depuis très peu exportés en dehors d’Asie. Mais si No Man’s Land n’a pas le profil-type du film de festival, c’est surtout parce qu’il ne s’agit ni d’un film-à-sujet, ni d’un film de formaliste : on est ici en effet en pleine série B. Et tant mieux. Des explosions, de la castagne, des duels, des accidents de voitures à qui mieux-mieux… tous les ingrédients sont là pour une variation musclée sur le western, située dans les paysages désertiques de la frontière mongole.
Il serait pour autant condescendant de croire que le film n’est sélectionné ici qu’en contrepoint à une sélection plus sérieuse. No Man’s Land a tout à fait sa place dans une compétition où bien des concurrents pourraient en effet lui envier son sens du rythme ou son habileté à varier les registres. Certaines scènes frôlent le cartoon au point qu'on imagine bien le générique de Benny Hill accompagnant cette course poursuite sans répit. Pourtant, le film n'est ni une parodie stérile ni un strict hommage empesé et solennel, car Hao Ling parvient à rendre imprévisible, tendu et sérieusement fun un récit pourtant basé sur les figures communes du genre. L’anti-héros, la fille de joie attachante, les personnages secondaires rendus fous par l’isolement et la corruption, un désert qui fait preuve d’aussi peu de pitié que ses rares habitants… Tout le monde est aussi salaud, pathétique (et pourtant attachant) que son voisin. Ces figures-là, No Man’s Land les assemble et les confronte avec sa touche personnelle: un mauvais esprit jubilatoire et généreux, qui donne envie d'applaudir tel un gamin devant chaque bastonnade.