Night Flight

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Night Flight
Ya Gan Bi Haeng
Corée du Sud, 2014
De Song Hee-Il Lee
Durée : 2h24
Note FilmDeCulte : ****--
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Un bar gay désaffecté et abandonné sert de lieu de rencontre entre deux adolescents condamnés à cacher leur homosexualité.

LA PEUR DÉTRUIT TOUT

La peur détruit tout. c'est le titre d'un film de Fassbinder mais la formule pourrait tout aussi bien s'appliquer aux films de LeeSong Hee-Il (lire notre entretien), à sa peinture d'une homosexualité étouffée par une société atteinte d'une violence maladive. Une homosexualité condamnée à la clandestinité et à la solitude, à des épanchements nocturnes dans des quartiers déserts. Pourtant, tout comme dans son précédent film White Night, (qui forme avec Night Flight deux volets d'une trilogie gay), LeeSong Hee-il dresse moins le simple portrait de personnages homosexuels qu'un état des lieux de l'homophobie. Une violence aigüe, montrée de manière plus graphique et frontale que dans White Night. Une forme de violence à laquelle il est tellement impossible d'échapper que les protagonistes l'intègrent et la transforment en haine d'eux-mêmes. Une violence qui va tellement de soi que le seul bar gay de cette ville de province est un lieu désaffecté qui ressemble plutôt à l'endroit idéal pour se suicider. Qu'un sourire est une chose rare qui doive être réclamée. Que l'amour inconditionnel d'une mère soit plutôt perçu comme une agréable surprise que comme un dû. Que l'aide d'un professeur laisse bouche bée de stupeur. Que lorsque le film se permet une parenthèse champêtre et souriante, elle sonne tellement toc qu'on la prend pour un rêve.

Alors évidemment, Night Flight n'est pas un film plaisant et facilement aimable. Mais la courtoisie est le cadet des soucis de ce réalisateur à la hargne punk, qui a des comptes à régler avec l'hypocrisie d'une société où il faut hurler pour se faire entendre. Ici, Les homosexuels n'y sont pas de gentils martyres mignons et attachants. Il n'y pas d'amour heureux et pas de personnage gay épanoui. Pas de posture victimaire pour autant, car les hétéros ne sont pas mieux ou moins bien lotis. Pour les homophobes en revanche, le film ne montre aucune pitié. Night Flight est un cri de révolte amer qui n'offre aucune excuse ou aucune circonstance atténuantes aux salauds, qui ne méritent même pas la nuance. Violentes physiquement comme moralement, les scènes de bizutages éprouvantes et parfois presque outrancières témoignent d'une absence de subtilité qui parfois affaiblit l'ensemble, mais qui le plus souvent frappe fort autant que juste.

Il y a surtout un deuxième film dans le film, celui de la rencontre amoureuse entre les deux protagonistes. A chaque face à face, le tumulte général s'efface enfin, laissant les personnages seuls dans le silence lourd de tension, pour des duels nocturnes muets d'un romantisme nerveux et d'une tension sexuelle rare. Ces sont les meilleures scènes du film, plastiquement superbes dans leurs clairs-obscurs. Elles rappellent que même si ses films prennent à rebrousse poil avec leur colère étouffée et parfois étouffante, LeeSong Hee-Il est avant tout un excellent metteur en scène, capable comme peu de donner chair aux sentiment adolescents.

par Gregory Coutaut

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