Miss Bala
Brésil, 2011
De Gerardo Naranjo
Scénario : Mauricio Katz, Gerardo Naranjo
Avec : Stephanie Sigman
Photo : Mátyás Erdély
Musique : Emilio Kauderer
Durée : 1h53
Sortie : 02/05/2012
Au Mexique, pays dominé par le crime organisé et la corruption. Laura et son amie Zuzu s’inscrivent à un concours de "Miss Beauté" à Tijuana. Le soir, Laura est témoin d’un règlement de compte violent dans une discothèque, et y échappe par miracle. Sans nouvelle de Zuzu, elle se rend le lendemain au poste de police, pour demander de l’aide. Mais elle est alors livrée directement à Nino, le chef du cartel de narcotrafiquants, responsable de la fusillade. Kidnappée, et sous la menace, Laura va être obligée de rendre quelques "services" dangereux pour rester en vie.
BOMBE LATINE
Le cinéaste mexicain Gerardo Naranjo a dégoupillé sa bombe Miss Bala l'an passé à Un Certain Regard. Et avant de voir, peut-être, le réalisateur récupéré par Hollywood où on lui confiera un reboot de Daredevil ou des sous-thrillers avec Sam Worthington, on ne saura que trop vous conseiller de jeter un œil à cette Miss qui n'est recommandée ni par l'office du tourisme mexicain, ni par Geneviève de Fontenay. A partir d'un argument digne d'une production bis tournée aux Philippines (une reine de beauté, du trafic de drogue et des flingues), Naranjo radiographie une société mexicaine gangrenée par le crime organisé. Tout le monde semble jouer un rôle dans Miss Bala. Une jeune fille sage se déguise en Miss, une Miss se retrouve instrumentalisée dans des règlements de compte mafieux, les pourris se promènent derrière un masque. Jusqu'au vertige. Naranjo s'immisce dans un monde invisible et omniprésent, obscur et omnipotent. Lumières et ténèbres se disputent: la nuit noire du désert éclairée par les phares d'une voiture, une salle de bal plongée dans le noir, pénombre déchirée par l'éclat des coups de feu. Gerardo Naranjo parvient avec succès à installer une atmosphère pesante de paranoïa (qui est qui ? où suis-je ?) et de terreur puisque la menace est partout.
Dans cette histoire de gros calibres, ne pas s'attendre à une mise en scène nerveuse qui jouera la carte du shake shake shake à chaque attaque. Les plans de Naranjo sont longs, leur maîtrise impressionnante. Le réalisateur filme à de nombreuses reprises le visage de son actrice, de près, comme pour cueillir la peur qui la tétanise. Puis la caméra s'éloigne, suit son chemin, pour retrouver enfin l'héroïne. Des choix de mise en scène qui renforcent l'impression de labyrinthe implacable, ce piège dans lequel Laura s'est pris le pied. Sans, pour autant, cadenasser le récit. Lors d'une séquence mémorable, la caméra filme, au loin, la ville à feu et à sang. Puis elle panote sur la route et l'on voit une voiture à travers le toit de laquelle s'agitent deux demoiselles comme pour un enterrement de vie de jeune fille. Vision surprenante et incongrue. La caméra panote à nouveau, on croise un véhicule de police et l'on retrouve Laura. La puissance de Miss Bala tient dans cette façon de prendre le pouls d'un décor tout en se penchant avec sensibilité sur son personnage, prisonnière d'un fait divers qui tourne, dans son dernier acte, à la farce cynique. Jusqu'au bout, chacun jouera son rôle, et le délire kafkaïen s'abime dans un terrifiant silence.