Midnight Special
États-Unis, 2016
De Jeff Nichols
Scénario : Jeff Nichols
Avec : Kirsten Dunst, Joel Edgerton, Michael Shannon
Durée : 1h51
Sortie : 16/03/2016
Fuyant d'abord des fanatiques religieux et des forces de police, Roy, père de famille et son fils Alton, se retrouvent bientôt les proies d'une chasse à l'homme à travers tout le pays, mobilisant même les plus hautes instances du gouvernement fédéral. En fin de compte, le père risque tout pour sauver son fils et lui permettre d'accomplir son destin. Un destin qui pourrait bien changer le monde pour toujours.
DES MAUX DE MINUIT
Si Take Shelter flirtait avec le fantastique, Midnight Special est la première franche incursion de Jeff Nichols dans le surnaturel. Avec bonheur et une certaine liberté de ton, le film ne s'embarrasse pas d'exposition pour débuter son récit. On devine le surnaturel, on suggère une menace d'état, mais la rétention d'informations dont le scénario fait preuve permet à Midnight Special d'installer le mystère. Ce n'est pas seulement par caprice : plus le mystère s'épaissira, plus la fable gagnera en ampleur. Nichols a confié que sa récente paternité était à l'origine de ce projet. C'est ce que raconte en filigrane cette fable : la paternité, et le lien indicible (et surnaturel) qui lie un enfant à ses parents. L'angoisse dans Midnight Special n'a pas de nom, et comme dans Take Shelter, on s'échine à lutter contre des forces hors de contrôle – jusqu'au bout, les explications demeurent minimalistes. C'est ce qui déroutera probablement une partie du public, mais c'est aussi la richesse de la fable ouverte aux interprétations. Le cœur du récit est intimiste mais son expression peut prendre la forme d'un spectacle de science-fiction avec lasers et cascades.
Il y a, à notre humble avis, un malentendu au sujet de Nichols, qu'on a régulièrement décrit comme un fils spirituel de Terrence Malick. Ce n'est pas faire insulte au jeune cinéaste d'y voir un raccourci un peu paresseux. En tout cas, si Nichols fait les yeux doux à un autre réalisateur dans Midnight Special, c'est à Steven Spielberg et plus largement à un certain cinéma de genre des années 80. L'autre paternité est, elle, plus empesée. On retrouve dans Midnight Special une emphase qui rappelle le cinéma-tracteur de Christopher Nolan (qui a ses adorateurs comme ses détracteurs). On ne demande pas que les personnages fassent des blagues et des charades, mais ceux-ci sont tellement écrasés par leur sérieux robotique qu'ils oublient d'être vivants. La musique, elle aussi, évoque les coups de boutoir à l’œuvre chez le cinéaste britannique. C'est le paradoxe de cette réussite bancale : si le film étouffe un peu trop son mystère – il manque un peu de fragilité, de trouble et de poésie pour être vraiment emporté - Midnight Special reste divertissant, avec un récit à la simplicité assez rafraîchissante.