Cinéma du Réel: Maman Colonelle
La Colonelle Honorine travaille au sein de la police congolaise où elle est chargée de la protection des enfants et de la lutte contre les violences sexuelles. Alors qu’elle travaille depuis 15 ans à Bukavu, à l’est de la République du Congo, elle apprend qu’elle est mutée à Kisangani. Sur place elle se trouve face à de nouveaux enjeux. À travers le portrait de cette femme d’un courage et d’une ténacité hors du commun qui lutte pour que justice soit faite, le film aborde la question des violences faites aux femmes et aux enfants en République du Congo.
BELLE MAMAN
Le jeune réalisateur congolais Dieudo Hamadi (lire notre entretien) a été remarqué avec des documentaires tels que Atalaku, qui racontait la campagne électorale de 2012 en République démocratique du Congo, ou plus récemment Examen d'état qui fut primé au Festival Cinéma du Réel. Présenté en première mondiale à la Berlinale, Maman Colonelle suit le quotidien d'Honorine, qui travaille au sein de la police congolaise où elle est chargée de la protection des enfants et de la lutte contre les violences sexuelles. Les premières images de Maman Colonelle la montre en train de courir et de se maquiller comme pour se préparer au combat. C'est une véritable héroïne : la population l'accueille avec des chants à sa gloire.
Ce qui pourrait justement passer pour une héroïne bigger than life dans une fiction est pourtant bel et bien un personnage ancré dans le réel - le plus dur et le plus scabreux. Car après les chants viennent les pleurs : la "maman colonelle" en question vient à la rencontre de ces femmes dont les filles - ou fillettes - ont été violées. Une fillette "morte-vivante" est maltraitée et terrorisée par sa belle-mère. Des gamins sont accusés de sorcellerie. Des victimes des atrocités de la guerre se confient à elle. "Quelle guerre ?", lance Honorine - on ne semble plus s'y retrouver dans les horreurs.
Le cinéaste a expliqué avoir eu un choc en découvrant le travail de Raymond Depardon, notamment sur 10e chambre. Ou comment l'observation peut dire autant voire plus que l'entretien : Hamadi ici observe Honorine, une force de vie dans ce marasme, et reste en retrait. Il n'y a guère besoin de dramatiser davantage ce qui se déroule à l'écran. A travers elle, Hamadi décrit une situation d'abandon d'une population qui semble ne pouvoir compter que sur cette femme pour l'aider. Elle incarne le pouvoir en uniforme, elle est aussi, comme l'indique le titre du long métrage, une mère. Elle est à l'écoute, tente de libérer la parole comme une première réponse à la violence que les femmes s'infligent : celle du silence. Hamadi fait ce récit puissant autour d'une lumière d'espoir plongée dans un océan d'une totale obscurité.
En savoir plus
Maman Colonelle est présenté cette semaine dans le cadre du Festival Cinéma du Réel.
Notre entretien avec le réalisateur Dieudo Hamadi