Festival des Inédits: Love Steaks
Un masseur introverti, une cuisinière pleine d'énergie, des dialogues improvisés, les arrière-cuisines d'un hôtel de luxe : voici les ingrédients d'une histoire d'amour fou sans conventions.
SAIGNANT ET A POINT
Couvert de prix en festivals, Love Steaks est le second long métrage de l’Allemand Jakob Lass. Les « love steaks » en question, ce sont Clemens, masseur « saignant » (incarné par Franz Rogowski, vu depuis dans Victoria) et Lara, cuisinière « à point » (l'épatante découverte Lana Cooper), travaillant ensemble dans un hôtel. Lass fait le récit surprenant de leur histoire d’amour en suivant les vraies/fausses règles du FOGMA, un nouveau dogme cinématographique plébiscitant la liberté et la prise de risques. Ce ne sont pas des paroles en l’air ou un argument publicitaire : la liberté de Love Steaks se sent à chaque plan. Love Steaks n’est pas du cinéma qui prend les spectateurs par la main, et on se demande un certain de quoi va bien pouvoir parler ce drôle de film. Le montage vif imprime un étrange tempo, et les héros passent leur temps à se casser la gueule comme Laetitia Hubert dans le chic pourri de leur hôtel de faux-luxe.
Love Steaks se situe quelque part entre le récit sentimental d’un couple ultra-atypique à la Everyone Else de Maren Ade et les fables absurdes du nouveau cinéma grec, où l’anxiété sociale s’exprime à travers des histoires totalement surréalistes. C’est par la fantaisie et l’artifice que Lass atteint encore plus profondément la complexité et la vérité des sentiments. Love Steaks est rempli de belles scènes « inutiles », à l’opposé d’un cinéma plus calibré où chaque scène doit raconter quelque chose et faire avancer le récit. Love Steaks avance pourtant tout le temps, à toute allure, sur sa propre route. Et ne s’interdit rien, notamment une scène de pipe comme vous n’en avez jamais vue avant.
Il y a, dans la démarche de Lass, une grande cohérence en même temps qu’une grande ambition : proposer une vision radicalement alternative de l’amour et des règles sociales dans un film tout aussi alternatif et peu soucieux des règles. Le résultat est moderne, déroutant et excitant. Lors de notre enquête sur le nouveau cinéma allemand (lire notre dossier), Dietrich Brüggemann (Chemin de croix) et Katrin Gebbe (Aux mains des hommes) ont tous les deux cité le film de Jakob Lass en exemple. Celui-ci s'ajoute à la riche liste de révélations gonflées venues d'Allemagne...
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Quoi de neuf en Allemagne aujourd'hui ? - notre dossier