Lola
Philippines, 2010
De Brillante Mendoza
Scénario : Linda Casimiro
Avec : Rustica Carpio, Anita Linda
Photo : Odyssey Flores
Musique : Teresa Barrozo
Durée : 1h50
Sortie : 05/05/2010
Deux femmes âgées sont confrontées à un drame commun : l'une a besoin d'argent pour offrir des funérailles décentes à son petit-fils; l'autre se bat pour faire sortir son propre petit-fils de prison.
MAIS ELLE DOIT METTRE LE HOLA
Le silence. Alors que la marque de fabrique de Brillante Mendoza, plus qu’un gimmick, est de filmer Manille avec ses bruits et sa fureur (bidonvilles électriques de John John, trafic vociférant dans Serbis), Lola frappe d’abord par son silence, comme si la ville s’était éteinte le temps que l’héroïne (une grand-mère) vienne poser une bougie là où son petit fils s’est fait assassiner la veille. L’argent. Dès le premier plan, un billet est passé d’une main à l’autre, leitmotiv du film où l’on cherche de l’argent pour un avocat, pour un cercueil, ou simplement pour se racheter, portrait social alarmant mais sans misérabilisme. On troque, on vend, on dissimule, porté par une énergie folle dans cette ville de fou. Là est le miracle de la mise en scène de Brillante Mendoza : capter cette énergie vitale envers et contre tout. Ici, un typhon peut bien s’abattre sur Manille, inonder les rues, la vie bat pourtant. Surtout celle de deux grand-mères ("lola", en Tagalog), l’une, endeuillée, l’autre, mère de l’assassin, qui semblent pouvoir s’envoler à tout instant, accrochées à leur canne ou à leur parapluie, ou même mourir à tout coin de rue, dans cette course incessante et furieuse.
Même dans le récit le plus dur, au dénouement le plus cynique, comme si l'on se battait jusqu'au KO, Brillante Mendoza parvient à un résultat débordant de vie et d’humanité, débordant du strict cadre de son pitch pour faire le portrait croisé et magnifique de deux mères et du feu incandescent qui les anime. Highlight de la dernière Mostra de Venise, Lola trône souverain parmi les meilleurs films de l'année, une grâce qui éclate comme dans cette séquence où l'on traverse Manille à barque comme une Venise de fortune. Et le long métrage, plus dans l’esprit de John John que l’introspection hantée de Kinatay, de poursuivre décidément une filmographie de très haute volée, à l'écho public jusqu'ici limité mais qu'on espère davantage entendu ici.