Les Sept de Chicago

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Les Sept de Chicago
The Trial of the Chicago 7
États-Unis, 2020
De Aaron Sorkin
Scénario : Aaron Sorkin
Avec : Sacha Baron Cohen, Joseph Gordon Levitt, Michael Keaton, Eddie Redmayne, Mark Rylance
Photo : Phedon Papamichael
Durée : 2h09
Sortie : 16/10/2020
Note FilmDeCulte : *****-
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Lorsque la manifestation en marge de la convention démocrate de 1968 tourne à l'affrontement, ses organisateurs sont accusés de conspiration et d'incitation à la révolte.

Lorsqu'en 2006, Steven Spielberg contacte Aaron Sorkin afin qu'il lui écrive un film sur l'émeute de Chicago lors de la Convention Démocrate et le procès qui s'en est suivi, il ne demande pas à n'importe qui. Non seulement Sorkin est un des scénaristes les plus talentueux qui soit mais il affectionne particulièrement l'arène juridique. De son tout premier scénario, Des hommes d'honneur, tiré de sa propre pièce, jusqu'à son premier long métrage en tant que réalisateur, Le Grand jeu, la cour a été celle où l'auteur a le plus aimé jouer. Même le thriller multi-genre Malice est célèbre pour un monologue donné lors d'une déposition. Nul hasard car nul endroit ne pourrait mieux convenir à la personnalité de Sorkin, amoureux du verbe et donc de son pouvoir. Quel milieu plus approprié pour illustrer cette notion que celui où l'on plaide? Et Sorkin de plaider une fois de plus, revenant à son naturel plus engagé, vu notamment dans ses séries télévisées, avec un film que Spielberg voulait réaliser avant les élections américaines de 2008 et qui s'est vu ressusciter pour sortir à temps avant celles de 2020. Avec sa verve habituelle, Aaron Sorkin cristallise en un simple procès les différentes philosophies de lutte militante et comment elle se confronte à un mur de politique post-vérité, déjà absurde et révoltant en 1968.

Même s'il ne va pas toujours jusqu'au procès, Sorkin traînera toujours ses personnages à des dépositions. La quasi-intégralité de la deuxième saison de The Newsroom est construite autour des dépositions des différents membres de l'équipe journalistique d'une émission que son présentateur décrit comme un tribunal où il se chargerait de contre-interroger les intervenants politiques. Il justifiait cette prérogative d'abandonner toute neutralité en expliquant qu'il n'y avait pas toujours deux versions d'une même histoire, mais une seule : la vérité. Cette quête de la vérité est au coeur des récits juridiques de Sorkin. Dans The Social Network par exemple, l'utilisation des dépositions comme dispositif narratif initiant des flashbacks est certes pratique mais s'avère également une confrontation presque rashomonesque des points de vue pour aboutir à une vérité. Une fois de plus ici, Sorkin joue avec les témoignages et la temporalité. À la barre, un témoin clame une chose. À l'écran, un flashback montre ce qui s'est passé. L'image ne ment pas. Elle rétablit la vérité pour le spectateur. Mais dans cette histoire, les dés sont pipés et les accusés condamnés d'avance. Comment le mot peut-il vaincre lorsque la vérité est niée aussi effrontément? Le parallèle avec l'arène politique actuelle résonne avant même les images de brutalités policières.

Les Sept de Chicago s'ouvre sur une introduction à la fois coup de poing est ludique, montrant la convergence des luttes précédant la manifestation qui débordera en émeute, mais effectue ensuite un saut dans le temps qui nous prive d'assister aux événements en question. L'auteur fait pencher la balance du côté des accusés en révélant d'entrée de jeu la nature vindicative de ce procès politique et le cirque biaisé qui s'en est suivi mais un ultime flashback vient révéler la vérité des émeutes et, ce faisant, la vérité émotionnelle que différents personnages viennent à admettre à force d'être confronté à l'injustice. Comment mener la lutte? Jusqu'où la non-violence est-elle possible? Quelle catégorie de personnes peut se la permettre? Bien qu'il s'agisse d'un film-choral, le récit raconte notamment l'évolution d'un personnage, plus timoré, plus privilégié que certains des "confrères" de ce même panier dans lequel il regrette d'avoir été mis, avant que ce dernier n'agisse comme un catalyseur à la désobéissance nécessaire et à l'intégrité retrouvée, comme toujours chez Sorkin. Ce faisant, Les Sept de Chicago parvient non seulement à éviter d'être trop factuel mais surtout à trouver son âme.

par Robert Hospyan

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