Les Interdits
France, 2013
De Philippe Kotlarski, Anne Weil
Scénario : Philippe Kotlarski, Anne Weil
Avec : Stéphanie Sokolinski
Durée : 1h32
Sortie : 27/11/2013
1979. Deux jeunes cousins, Jérôme et Carole, voyagent en Union Soviétique. Le jour, ils jouent les touristes aux monuments et aux musées. La nuit, ils rencontrent secrètement des juifs russes menacés par le régime communiste pour avoir voulu quitter le pays. Ils découvrent un monde inconnu, brutal et absurde.
LES GRANDS MOTS
Ce qui frappe d’emblée dans ce premier long métrage réalisé à quatre mains, c’est son sérieux. Sérieux du sujet (l’exil empêché des juifs depuis l'ex-URSS), sérieux presque sentencieux du titre, qui n’a pas peur de l’emphase, mais aussi sérieux du travail bien fait et de l’attention portée ici aux détails trop souvent survolés ailleurs. Lumière léchée, gestion efficace du rythme laissant deviner une certaine habileté scénaristique... Par plusieurs aspects, Les Interdits donne en effet le sentiment d’être un film plus appliqué que les autres. Pourtant, ce soin apporté çà et là sert moins le film qu’il ne le piège, tant il est difficile de s’enthousiasmer avec ferveur pour un film dont la première qualité serait d’être... appliqué. Les Interdits finit en effet par ressembler à un film de premier de la classe : lisse et propre, mais manquant de substance et de chair, d’imprévisibilité. Le cahier des charges du parfait scénariste français est ici respecté à outrance : dialogues (eux-mêmes parfois très solennels) oscillant entre le littéraire concentré et le naturel désinvolte, soudaines touches de provocation lorsque le verbe amoureux se fait cru, personnages secondaires à la personnification à la fois généreuse et superflue... Sans aller jusqu’à réclamer de la fantaisie, on étouffe sous ce vernis studieux, et pour reprendre la célèbre formule de Pauline Kael, on aurait envie de dessiner une moustache au film.
Paradoxe, toutes ces attentions citées plus haut ne font que mettre en avant ce qui manque aux Interdits : nous intéresser à ses protagonistes (autant dire le principal). Sa minutie aurait pu être joyeusement enrayée par ce couple de protagonistes tout de même curieux. Ados à peine majeurs, doués et pourtant parfois très naïfs face à la complexité de ce qu’ils voient, ces deux cousins embarqués dans l’espionnage et l’aide aux réfugiés auraient pu faire des personnages suffisamment singuliers pour porter le film. Pourtant celui-ci ne profite pas de leur caractère improbable (comme s’il n’en avait pas conscience ?). Le scénario semble même finir par ne plus savoir quoi faire d’eux, les fait coucher ensemble sans que cela ait de rapport avec l’intrigue jusqu’alors, puis les enferme dans une logique de telenovela au sentimentalisme maladroit. Laissé de côté, le contexte politico-religieux fait place à un dénouement forcément trivial en comparaison, et qui déçoit d’autant plus que jamais ces protagonistes n’émeuvent. Comme si eux aussi manquait un peu d’air sous tant de gravité.