Le Roi Lion
The Lion King
États-Unis, 2019
De Jon Favreau
Scénario : Jeff Nathanson
Avec : Donald Glover, James Earl Jones, Beyonce Knowles, Seth Rogen
Photo : Caleb Deschanel
Musique : Hans Zimmer
Durée : 1h58
Sortie : 17/07/2019
Au fond de la savane africaine, tous les animaux célèbrent la naissance de Simba, leur futur roi. Les mois passent. Simba idolâtre son père, le roi Mufasa, qui prend à cœur de lui faire comprendre les enjeux de sa royale destinée. Mais tout le monde ne semble pas de cet avis. Scar, le frère de Mufasa, l'ancien héritier du trône, a ses propres plans. La bataille pour la prise de contrôle de la Terre des Lions est ravagée par la trahison, la tragédie et le drame, ce qui finit par entraîner l'exil de Simba. Avec l'aide de deux nouveaux amis, Timon et Pumbaa, le jeune lion va devoir trouver comment grandir et reprendre ce qui lui revient de droit…
LE CYCLE ÉTERNEL
Si le remake du Livre de la jungle par Jon Favreau n'avait pas convaincu tout le monde, il avait attiré tant de monde en salles que la mise en chantier de toute une série d'adaptations live de leurs classiques fut lancée par Disney et, inévitablement, celle de leur joyau, encore leur dessin-animé à avoir le plus marché au box-office, Le Roi Lion avec toujours Favreau à la barre. A posteriori, l'évolution paraît évidente. Un peu comme J.J. Abrams infusait du Star Wars dans son Star Trek avant de s'y attaquer pour de vrai, Favreau s'inspirait déjà du Roi Lion dans son essai précédent, faisant notamment de son Shere Khan un proto-Scar (la cicatrice, l'appropriation du rocher des loups après avoir tué Akeela en le jetant de la falaise). Se frottant cette fois frontalement à l'objet de son affection, Favreau met les petits plats dans les grands tout en étant moins libre d'altérer l'original. Que pouvait-il alors advenir d'un tel projet? Est-ce que cette nouvelle version est motivée par l'argent? Oui. Est-ce que Favreau est un auteur? Non. Néanmoins, son approche sur son nouvel opus témoigne d'un véritable parti-pris audacieux et, que ce soit une démarche consciente ou non, s'apparente au Psycho de Gus Van Sant : une véritable expérience pop art.
Entre la première adaptation du recueil de Rudyard Kipling et la sortie du Roi Lion, il y a 27 ans. Vingt-sept ans durant lesquels l'écriture des films d'animation Disney est passée de l'enchaînement de saynètes à des scénarios à la construction plus travaillée. Un effort que l'on trouvait dans le remake du Livre de la jungle, créant de nouvelles séquences pour mieux raconter le récit d'apprentissage de Mowgli et réinterprétant certains segments-clé pour en changer la tonalité (Kaa était soudain sage et effrayant, par exemple). Toutefois, le matériau original n'est pas perfectible ici comme il pouvait l'être avec Le Livre de la jungle. Par conséquent, Favreau et son scénariste, Jeff Nathanson (trois Spielberg à son actif), prennent beaucoup moins de libertés dans l'écriture et composent un film somme toute moins surprenant. Dans la mise en scène également, Favreau reproduit souvent à l'image près les plans du film de 1994, dans les cadres et parfois même dans les mouvements, là aussi plus sophistiqués et donc mémorables que ceux du Livre de la Jungle. La facture formelle du film arbore alors un aspect fascinant dans la reproduction en simili-prises de vues réelles des photogrammes gravées dans nos mémoires de l'original sans rien perdre de leur caractère iconique, l'amplifiant même par moments par son degré de détails et donc sa tangibilité.
S'agit-il donc d'un vulgaire copier-coller? Non, car Favreau adopte une démarche qui ne fera clairement pas l'unanimité. En effet, le réalisateur surenchérit sur l'aspect "documentaire DisneyNature" que l'on remarquait déjà la première fois et qu'il cite carrément en interview. À l'imagerie haute en couleurs de son modèle, il substitue un naturalisme déroutant...et magnifique. Des mouvements de caméra qui restent ancrés au sol, comme s'il ne s'agissait pas d'une caméra numérique, à la photographie aux tons terrestres de Caleb Deschanel (La Passion du Christ) en passant par le photoréalisme des images de synthèse, refusant l'anthropomorphisme des animaux, Le Roi Lion version 2019 pose la même question que Van Sant se posait vis-à-vis du classique d'Alfred Hitchcock : est-ce que le même film, avec le même scénario et la même mise en scène, mais en couleurs et avec d'autres comédiens, aurait le même effet aujourd'hui? Et la réponse est oui. On pouvait encore reconnaître un peu de Bill Murray en Baloo ou les yeux bleus et quelques mimiques de Christopher Walken en King Louie mais ici, on est au plus proche de vrais animaux. Le character design de Scar se devait une distinction et le personnage désormais doublé par Chiwetel Ejiofor paraît désormais plus triste et dangereux que le manipulateur sournois et flamboyant campé jadis par Jeremy Irons (et les animateurs de chez Disney) mais tout passe par la crinière élimée et la pigmentation effacée. Jamais le film ne s'autorise une expression outrancière et pourtant, l'émotion inhérente de l'histoire demeure.
Après tout, ne passe-t-on pas nos journées sur les réseaux sociaux à s'émouvoir pour la moindre vidéo virale de chat ou de panda roux? Certes, le spectateur dispose en l'occurrence d'un point de comparaison avec l'illustre original mais les commentaires réduisant cette transposition à "la même chose mais sans le style/les couleurs/les expressions des personnages" sont peu éclairés. Certaines séquences musicales, désormais plus terre-à-terre, s'en retrouvent amoindries voire superflues, mais le pouvoir des chansons d'Elton John et Tim Rice marche toujours autant. Il est compréhensible que certains ne veuillent pas voir l'équivalent de ces images "voici à quoi ressembleraient vos personnages favoris s'ils étaient réels!" qui circulent sur le net étiré sur deux heures de film mais le procédé, au-delà de l'époustouflante prouesse technique, a quelque chose d'hyponitisant. Aussi dispensable qu'il puisse être en la présence de l'original, ce Roi Lion reste une vraie proposition artistique et une belle réussite.