Le Petit Poucet
France, 2011
De Marina De Van
Scénario : Marina De Van, Bertrand Santini
Avec : Denis Lavant
Photo : Vincent Mathias
Musique : Alexeï Aigui
Durée : 1h22
Poucet en compagnie de ses quatre frères est abandonné dans la forêt, par ses parents qui ne peuvent plus les nourrir. Il se réfugie dans une maison isolée où résident l’ogre et sa famille. Poucet rusé mais surtout non résigné sauve ses frères du pire des prédateurs carnassiers : un ogre cannibale, amateur de chairs d'enfant… Mais son parcours lui aura appris les règles du pouvoir en ce monde et compris qu’il ne peut accorder sa confiance à personne : c'est donc en dominateur fortuné que cet enfant doux et discret reviendra dans sa famille…
LA VIANDE DEVRAIT TOUJOURS ÊTRE AUSSI BONNE QUE ÇA
Dans la carrière atypique de Marina de Van, co-scénariste d'Ozon sur Sous le sable ou 8 femmes, réalisatrice des fascinants Dans ma peau et Ne te retourne pas (et accessoirement une des meilleures choses qui soient arrivées au cinéma français depuis 15 ans), ce Petit Poucet produit pour la télévision par Arte sonne comme une parenthèse plus légère après le mastodonte à gros budget, à effets spéciaux et à duo Bellucci/Marceau qu'était Ne te retourne pas. Le film fait le pari de la modestie et de la sobriété, on devine le fantastique par un plan insistant sur une cavité dans un tronc d'arbre, on imagine l'inquiétude de conte quand on corbeau tout noir se pose et attend. Le film souffre de deux problèmes cependant: un rythme lent tendance torpeur et une interprétation inégale, qu'il s'agisse du sous-jeu des parents écrasés par leur texte ou, au contraire, de Denis Lavant qui denislavantise dans le rôle (trop) fait pour lui de l'ogre. Les meilleurs moments, chez De Van, restent quand les personnages ne disent plus rien, quand l'héroïne de Dans ma peau se grignote, quand Marceau se tait (enfin!) pour devenir Bellucci dans Ne te retourne pas ou ici, lorsque ce Petit Poucet joue la carte de l'illustration incarnée du conte au premier degré.
Ne te retourne pas portait déjà en lui des traces de conte, principalement dans la partie quasi muette de Bellucci en Alice devenue naine errant dans un décor irréel, en opposition avec les scènes d'appartement de Marceau. Même schizophrénie ici entre les moments de pur merveilleux et le rêve de l'ogre: pas de fée ou de magie mais une scène réaliste, contemporaine, triviale. Le Petit Poucet fait confiance au conte et le minimalisme n'est pas ici synonyme de manque d'imagination. En témoignent cette scène qui pioche directement dans l'iconographie de conte, où les enfants errent dans le ventre de l'ogre aux côtés de lapins et de biches, et où l'on gratte la peau pour en sortir (leitmotiv de l'œuvre viscérale de la réalisatrice), ou encore un plan magnifique de mère étendue sur le lit de ses filles en sang. Le Petit Poucet, auréolé du Prix spécial du jury Orizzonti à Venise, n'a évidemment pas l'ampleur de ses précédents essais, ce qui ne l'empêche pas de poser sa patte, notamment lors d'un dénouement ironique, pied-de-nez frondeur après avoir été si docile.