Le Mur invisible

Le Mur invisible
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Mur invisible (Le)
Wand (Die)
Allemagne, 2012
De Julian Roman Pölsler
Scénario : Julian Roman Pölsler
Avec : Martina Gedeck
Durée : 1h48
Sortie : 13/03/2013
Note FilmDeCulte : *-----
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Une femme se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt autrichienne, séparée du reste du monde par un mur invisible au-delà duquel toute vie semble s’être pétrifiée durant la nuit. Tel un moderne Robinson, elle organise sa survie en compagnie de quelques animaux familiers et s’engage dans une aventure humaine bouleversante.

TROP DE BLABLA

Le Mur invisible est l’adaptation du roman du même nom de Marlen Haushofer, discrète femme au foyer autrichienne des années 60 devenue écrivain presque par hasard. Culte dans les pays germanophones et méconnu chez nous, ce récit court mais ambitieux est à la fois une fable fantastique (l’argument rappellera quelque chose aux lecteurs de Dôme de Stephen King), un almanach bucolique sur la vie quotidienne dans les alpages, et un monologue existentiel parfois brutalement honnête. Cette richesse rare de ton n’était pas la seule difficulté qui attendait cette adaptation. Le roman entier se passe en effet dans la tête de son héroïne solitaire, dans le plus grand silence. Pour traduire le flux incessant de ce courant de conscience, le réalisateur Julian Pölsler a pris une décision à double tranchant (à la fois la solution la plus évidente et un pari très risqué) : celui d’une voix-off permanente. Les meilleures intentions ne donnent pas forcément lieu aux meilleures idées ; avouons-le tout de suite : ce pari est complètement raté.

Quel meilleur moyen d’alourdir un film et de l’enterrer sous un vernis trop poussiéreux ? Martina Gedeck aurait pu se régaler de faire tenir l’ensemble sur une performance muette centrée autour de sa simple présence, mais elle se retrouve à lire des passages entier du livre à haute voix. Le scénario du Mur invisible ressemble moins à une adaptation de l’œuvre de Haushofer qu’à un simple décalque, tant il n’y a aucune trace d’une présence personnelle du réalisateur. Julian Pölsler semble vouloir remplir à ras-bord son film de cette voix-off, obsédé par un respect maximum et trop scolaire au matériau d’origine. Tout ce blabla traduit surtout sa peur panique du silence. Dommage pour l'adaptation d’un roman sans aucune ligne de dialogue. Julian Pölsler se vante dans le dossier de presse d’avoir tenu bon face aux conseils d’Haneke qui lui conseillait le silence total. Mais comment a-t-il pu justement passer à côté de ce silence qui est au cœur même des enjeux de ce récit ? C’est justement le silence qui symbolise la solitude extrême de l’héroïne, c’est cet infini silence qui génère en elle des angoisses et la folie qui donne au roman sa dimension fantastique. Pourquoi avoir été au contraire jusqu’à garder des phrases redondantes telles que « je sortis avec le chien » alors que cela est justement déjà montré à l’image ? A l’inverse, certains des meilleurs aspects du roman passent inexplicablement à la trappe. La dimension féministe, qui n’est pourtant ni un détail ni un fantasme d’universitaire, essentielle dans l’oeuvre de Marlen Haushofer, brille ici par son absence flagrante. Adieu la surprenante violence des moments où l’héroïne, livrée à elle-même, se rendait compte avec une amertume désabusée de l’absurdité de la pression sociale exercée sur les femmes.

Reste un film avec au moins une certaine qualité: des images superbes. Voilà une dimension a priori plutôt réussie de cette adaptation : l’admiration de la nature. Mais là où la nature selon Haushofer était une force vivante, intense jusqu’à la brutalité et l’injustice, la nature selon Pölsler ressemble plus à un cinémascope tranquille, une page de Zen TV. On ne peut que fantasmer de ce qu’aurait donné cette béate fascination si elle avait été débarrassée de cet interminable monologue qui embourbe le film dans un non-rythme assommant, de toute la trivialité de cette adaptation scolaire, tellement obsédée par la recréation de détails qu’il manque l’essentiel. Certes la couleur du pelage du chaton est bien la bonne, mais bâtit-on un bon film sur des détails uniquement ? Pölsler dit avoir passé dix ans à rêver son adaptation. La formule est certes expéditive, mais on est vraiment tenté de dire qu’il n’y a rien compris.

par Gregory Coutaut

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