Les Merveilles
Meraviglie (Le)
Italie, 2014
De Alice Rohrwacher
Scénario : Alice Rohrwacher
Avec : Monica Bellucci
Durée : 1h50
Sortie : 11/02/2015
Dans un village en Ombrie, c’est la fin de l’été. Gelsomina vit avec ses parents et ses trois jeunes sœurs, dans une ferme délabrée où ils produisent du miel. Volontairement tenues à distance du monde par leur père, qui en prédit la fin proche et prône un rapport privilégié à la nature, les filles grandissent en marge. Pourtant, les règles strictes qui tiennent la famille ensemble vont être mises à mal par l’arrivée de Martin, un jeune délinquant accueilli dans le cadre d’un programme de réinsertion, et par le tournage du « Village des merveilles », un jeu télévisé qui envahit la région.
MONTS ET MERVEILLES
Second long métrage de la jeune Italienne Alice Rohrwacher, Les Merveilles est une belle surprise. D'abord parce qu'on doit avouer avoir peu apprécié son premier long, l'étouffe-chrétien Corpo Celeste, ensuite parce qu'on compte le nombre de révélations du cinéma italien sur les doigts d'une main ces dix dernières années. Celles-ci viennent souvent de la marge, comme Alessandro Comodin ou Michelangelo Frammartino. Avec Les Merveilles, Alice Rohrwacher ne se range pas du côté du cinéma mainstream et c'est tant mieux.
Car ce qui frappe avant tout dans ce long métrage, c'est son étrangeté. Une bizarrerie qui s'installe dès l'introduction dans le noir. Où sommes-nous, que se passe t-il ? Rohrwacher est avare en explication et c'est un plus par rapport à son premier film sursignifiant. Les Merveilles respire davantage et l'on n'identifie pas immédiatement de conflit. La jeune héroïne Gelsomina vit dans une famille atypique de la campagne italienne, hors du monde et hors du temps. Elle récolte du miel et vit dans une modeste ferme. Son père est un anar en slibard qui attend la fin du monde, sa mère fait ce qu'elle peut, avec son vieux t-shirt Grace Jones sur le dos et ses cheveux dans tous les sens. La vie semble tout autre, les fillettes pataugent dans la boue, on parle de la mort en épluchant les tomates. Glauque, écrasant ? Pas du tout.
Car Rohrwacher donne une dimension poétique très surprenante à ses merveilles, avec ici ou là quelques visions surréalistes. Si la vie est différente ici, le rapport au réel l'est également. L'âpreté n'empêche pas les sentiments et il y a quelque chose de poignant à voir cette jeune fille se débattre dans un quotidien qui ne lui fait pas de cadeau. Soudain un espoir point à l'horizon: Gelsomina repère une émission télé à laquelle elle souhaiterait inscrire sa famille. Présenté par une Monica Bellucci transformée en déesse d'un épisode de La Caverne de la rose d'or atterrie sur une île nue, cet improbable show super creepy suggère qu'il y a une vie ailleurs pour cette famille de fantômes. Rohrwacher filme ces invisibles avec douceur et rudesse dans un entre-deux où l'hésitation fantastique s'invite: à qui appartiennent ces ombres contre le mur, quels spectres peuplent cette ferme du bout du monde ?