Le Fils de Saul

Le Fils de Saul
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Fils de Saul (Le)
Saul Fia
Hongrie, 2015
De Laszlo Nemes
Scénario : Laszlo Nemes
Durée : 1h47
Sortie : 04/11/2015
Note FilmDeCulte : ****--
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Octobre 1944, Auschwitz-Birkenau. Saul Ausländer est membre du Sonderkommando, ce groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp et forcé d’assister les nazis dans leur plan d’extermination. Il travaille dans l’un des crématoriums quand il découvre le cadavre d’un garçon dans les traits duquel il reconnaît son fils. Alors que le Sonderkommando prépare une révolte, il décide d’accomplir l’impossible : sauver le corps de l’enfant des flammes et lui offrir une véritable sépulture.

LES YEUX OUVERTS

Le jeune Hongrois László Nemes, né en 1977, a été à bonne école: il a entre autres été assistant de son illustre compatriote Bela Tarr sur L'Homme de Londres. On n'est finalement pas si surpris de le voir débarquer en compétition à Cannes avec un premier film aussi accompli visuellement. Le Fils de Saul raconte ce qu'est devenu le quotidien de Saul, un juif prisonnier d'Auschwitz-Birkenau et membre malgré lui du Sonderkommando, groupe contraint à assister les Nazis dans leurs opérations d'extermination. "Quel est votre nom", demande t-on à Saul (incarné par le poète hongrois Géza Röhrig) ? "Ausländer" ("étranger"), répond-il.

Nemes lui colle aux basques pour tenter de montrer l'immontrable: l'horreur du camp et des chambres à gaz, où les corps sans vie ne sont plus que des "pièces". Le Fils de Saul s'ouvre par un plan séquence hallucinant, auquel succèderont d'autres plan séquences tout aussi impressionnants: la caméra ne lâche pas le visage de Saul dans le tumulte, voit ce qu'il voit, sent ce qu'il sent, entend le vacarme et les hurlements. Mais jusqu'où montrer ? Le film ne montre pas la mise à mort dans les chambres, mais le cinéma, par la caméra de l'extraordinaire Mátyás Erdély (collaborateur notamment de Kornel Mundruczo) et le considérable travail sonore, donne cette fois le sentiment d'y pénétrer.

Malgré la succession de gros plans sans coupe, il y a un dynamisme tétanisant dans Le Fils de Saul. La caméra est extrêmement mobile, très précise, et l'expression corporelle des comédiens semble presque obéir à une chorégraphie de robots, un ballet absurde et infernal. Ces instants rappellent certains tours de force formels de My Joy de Sergei Loznitsa, là encore avec un grand directeur de la photographie derrière la caméra (Oleg Mutu). Le Fils de Saul est un témoignage, une expérience du réel, par un cinéaste dont une partie de la famille a péri elle aussi dans les camps. Malgré tout l'attirail formel, le geste est finalement humble, et le film saisissant à l'heure où les extrémismes gagnent du terrain en Europe. Le Fils de Saul nous laisse pourtant parfois au bord de l'étouffement. Difficile d'y échapper avec un tel sujet, mais le cinéaste a tendance à s'embourber dans son concept. La répétition hystéro-vociférante peut avoir l'effet inverse de l'immersion recherchée: elle fait de temps à autres sortir du film et forçant le KO. Le décrochage final ainsi que l'hésitation quasi-fantastique apportent, si l'on peut dire, une demi-respiration. Avant que le cauchemar ne reprenne le dessus dans cet indescriptible film hanté.

par Nicolas Bardot

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