L'année cinéma 2014 de Nicolas Bardot

L'année cinéma 2014 de Nicolas Bardot

L’invisible est réel. Les âmes ont leur monde. Ce vers d’Alfred de Vigny éclaire les trois plus beaux films de l’année : l’exploration mentale dans Real, charnelle dans Under the Skin et de l’autre dans Still the Water. C’est dans l’inconscient, à fleur de peau et au bord des limbes que se sont déployés les imaginaires les plus poétiques de l’année. A partir d’une trame lambda, la maestria de Kiyoshi Kurosawa éclabousse chaque image de Real. Au-delà du voyage spatial (qui offre les premières minutes de cinéma les plus bluffantes depuis… quand ?), Jonathan Glazer retrace un voyage intérieur bouleversant et hypnotique dans Under the Skin. Et comme d’habitude chez Kawase, à la fois spirituelle et terre-à-terre, on se rend compte que les dieux meurent aussi. Trois cinéastes qui, en plus d’avoir une haute idée du cinéma, ont une idée aussi haute de l’humanité. Voilà qui rend leurs films, trois chefs d’œuvre, aussi étourdissants qu’émouvants - lorsqu’une ville s’efface comme une peinture, lorsque des proies disparaissent dans un lac noir, lorsqu’une danse de vie accompagne la mort : L’invisible est réel. Les âmes ont leur monde. Où sont accumulés d'impalpables trésors…

  • L'année cinéma 2014 de Nicolas Bardot
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MON TOP

1. Real, Kiyoshi Kurosawa (lire notre entretien)
2. Under the Skin, Jonathan Glazer
3. Still the Water, Naomi Kawase (lire notre entretien)
4. Mommy, Xavier Dolan
5. Chemin de croix, Dietrich Brüggemann (lire notre entretien)
6. Mister Babadook, de Jennifer Kent (lire notre entretien)
7. Something Must Break, Ester Martin Bergsmark (lire notre entretien)
8. Maps to the Stars, David Cronenberg
9. Le Conte de la princesse Kaguya, Isao Takahata
10. Boyhood, Richard Linklater

FOCUS : WE ARE UNSTOPPABLE

Au printemps dernier, au nez et à la moustache d’une Europe de moins en moins gay-friendly, une drag-queen barbue remportait le concours de l’Eurovision. Une dizaine d’années après la victoire d’une transsexuelle dans un concours musical dit ringard mais qui est pourtant l’un des plus progressistes du monde, Conchita Wurst est devenue une superstar mondiale et sa barbe s’est invitée dans un temple de la « féminité » comme le Crazy Horse. Qu’importe la haine, Conchita et tous les autres gamins queer sont devenus unstoppable. Au cinéma, le genre a été au centre de quelques uns des films marquants de l’année. On se souvient du brillant discours de Céline Sciamma à l’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs pour présenter Bande de filles. Sciamma va même plus loin que la simple subversion du genre en filmant une jeune femme qui refuse de rester à la place où on l’a mise : elle filme une jeune fille noire, en fait une héroïne mythologique qui a des rêves, qui se bat, et qui tranche radicalement avec le tout-venant d’un cinéma français volontiers raciste où les actrices noires n’existent pas.

A des kilomètres de là, en Suède, Ester Martin Bergsmark filme dans Something Must Break un personnage invisible au cinéma : Sebastian/Ellie, androgyne qui vit une idylle passionnée avec un garçon se définissant comme hétéro. Comme Bande de filles, Something… n’est pas une œuvrette simplement calibrée pour des débats sociétaux : ce sont des films qui ont une foi inébranlable en un cinéma qui remue le monde et dont le premier geste politique est de rendre visible les invisibles. On espère aussi que ces cinéastes-là seront unstoppable.

MON TOP INÉDITS (DÉCOUVERTES FESTIVALS / SORTIES DVD / FILMS SANS DATE DE SORTIE)

1. R100, Hitoshi Matsumoto
2. Forma, Ayumi Sakamoto (lire notre entretien)
3. Blind Massage, Lou Ye
4. The Reunion, Anna Odell
5. The Fake, Yeun Sang-Ho
6. Coherence, James Ward Byrkit (lire notre entretien)
7. The Sacrament, Ti West
8. The Tale of Iya, Tetsuichiro Tsuta
9. 10 Minutes, Lee Yong-Seung (lire notre entretien)
10. The Galapagos Affair, Dayna Goldfine & Dan Geller (lire notre entretien)

MES ATTENTES POUR 2015

1. An, Naomi Kawase
2. Cemetery of Kings, Apichatpong Weerasethakul
3. Journey by the Shore, Kiyoshi Kurosawa
3. Knight of Cups, Terrence Malick
5. The Assassin, Hou Hsiao Hsien
6. Umimachi Diary, Hirokazu Kore-Eda
7. Taklub, Brillante Mendoza
8. Evolution, Lucile Hadzihalilovic
9. In the Room, Eric Khoo
10. Goodnight Mommy, Veronika Franz & Severin Fiala

par Nicolas Bardot

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