L'année cinéma 2011 de Anne Mourand-Sarrazin

Les deux films les plus marquants de 2011 parlent l’un de la création du monde, l’autre de sa destruction. Ces deux films, dont l’ambition dépasse de très loin tout le reste de la production cinématographique de l’année, sont aussi ceux qui laisseront les images les plus fortes et les émotions les plus ravageuses. Entre les deux, l’année aura été plutôt âpre. L’histoire de la jolie danseuse de ballet est en fait un conte extrêmement noir sur la folie, l’histoire d’amour sur fond de ukulélé avec deux des jeunes acteurs américains préférés du moment s’avère être une tragédie… Même le film sur le super-héros aux couleurs de l’empire américain finit par devenir le récit de son infériorité, et de son échec. Reste le studio Ghibli ; dans un environnement pourtant rempli de menaces, à chaque pas, l’émerveillement s’entretient en permanence, moteur essentiel du regard : la foi en un avenir meilleur reste possible.

MON TOP

1. The Tree of Life, Terrence Malick
2. Black Swan, Darren Aronofsky
3. Melancholia, Lars Von Trier
4. Arrietty le petit monde des chapardeurs, Hiromasa Yonebayashi
5. Blue Valentine, Derek Cianfrance
6. Tomboy, Céline Sciamma
7. Drive, Nicolas Winding Refn
8. Super 8, JJ Abrams
9. Shame, Steve McQueen
10. Captain America, Joe Johnston

MON COUP DE CŒUR : La consécration de Ryan Gosling et de Michael Fassbender

L’année 2011 aura été sans aucun doute leur année. Exposés médiatiquement comme jamais, chéris de la critique et du public pour leur talent tout autant que pour leur beauté et leur sex-appeal, les deux comédiens n’en sont pourtant pas à leur coup d’essai, comme pourraient le laisser croire les labels « révélations de l’année » qu’on leur colle sur le front depuis plusieurs semaines. Ryan Gosling, 31 ans, a déjà montré à plusieurs reprises quel acteur passionnant et complexe il peut être, loin de la fausse image d’idole des adolescentes à travers le souvent mésestimé N’oublie jamais. Cette année, nul autre que lui aura su incarner à ce point l’amour fou, dans Blue Valentine, drame crève-cœur avec une Michelle Williams elle aussi impressionnante. Et puis, évidemment, le personnage de l’année, c’est lui, ce fameux driver, mutique, violent, tendre, altruiste, solitaire, facettes multiples très opposées que Gosling parvient pourtant à capter toutes à la fois, dans un regard, dans une mâchoire, dans un demi-sourire. C’est pourtant pour deux autres films de 2011 que Gosling est nommé aux Golden Globes : plus lisses sans aucun doute, moins dérangeants (Les Marches du pouvoir et Crazy, Stupid, Love). Ne chipotons pas : il mérite sa reconnaissance, et sa future collaboration avec Gaspar Noé sur Golden Suicides, scénarisé par Bret Easton Ellis, laisse penser qu’il garde un appétit intact pour des projets difficiles et extrêmement ambitieux.

Michael Fassbender, 34 ans, connaît un succès plus tardif. Nous, chanceux petits Français, avons eu la chance de le découvrir à ses débuts grâce à l’œil hautement avisé de François Ozon, pour Angel, mais en cette fin d’année, c’est bien simple : il est partout. Quiconque a vu Fish Tank a sa chute de reins imprimée à jamais sur la rétine, quiconque l’a observé et écouté en interview sait à quel point il est ensorcelant, toujours enthousiaste et passionnant dans les détails et les explications qu’il apporte au sujet de son travail. En col roulé dans X-Men, petites lunettes dans A Dangerous Method, mis à nu dans Shame, Michael Fassbender n’est pas qu’un régal pour les yeux. Profondément envoûtant, investi dans ses rôles depuis la pointe des cils et jusqu'au bout des ongles, il est passé maître dans l’art des personnages soumis à la torture, celle du corps souvent, mais aussi celle de l’âme. Son interprétation de Rochester l’an prochain dans Jane Eyre, face à la brillantissime Mia Wasikowska, sera forcément l’un des grands moments de l’année.