L'année cinéma 2010 de Nicolas Bardot

L'année cinéma 2010 de Nicolas Bardot

Une princesse défigurée s'accouple avec un poisson dans la jungle thaïlandaise. L'âme d'un agonisant plane sur Tokyo. Une mère-courage se transforme en monstre pour sauver son fils. Une fresque en noir et blanc, barbare et insensée, raconte le massacre de Nankin. Un renard rusé nargue des fermiers en stop-motion. Un jeune homme doit affronter les ex de sa bien-aimée dans un déluge manga et 8 bits. Une grand-mère apprend la poésie, deux autres s'affrontent dans un quartier inondé de Manille. Une toute jeune orpheline creuse sa propre tombe pour s'y enterrer. Même Bright Star, projet d'apparence plus classique, partage l'audace et l'originalité de ces autres films fous qui ont fait 2010. On aura rarement voyagé aussi loin qu'avec Apichatpong Weerasethakul: voyage dans l'imaginaire et voyage de cinéma à travers un film qui ne ressemble à aucun autre, célébré par une miraculeuse Palme d'or. Les paris formels de Enter the Void ou de Scott Pilgrim, les figures ambiguës de Mother ou de Lola, la pure grâce mélodramatique de Poetry ou de Une vie toute neuve, ces sont ces projets singuliers qui ont porté haut les couleurs de cette très grande année en salles, avec en commun, malgré leurs différences évidentes, une certaine idée du cinéma, portée vers l'inconnu, en exploration, radicale, dopée au panache, quel que soit le genre. On espère la même chose de l'année à venir!

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MON TOP

1. Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures)
2. Enter the Void
3. Mother
4. City of Life and Death
5. Fantastic Mr Fox
6. Scott Pilgrim
7. Bright Star
8. Lola
9. Poetry
10. Une vie toute neuve

MON COUP DE CŒUR : Laissez les mamies faire

Quoi de plus improbable qu’une sexagénaire héroïne d’un film en 2010 ? A l’heure de la poufette jetable, alors que Hollywood a la phobie de toute femelle de plus de 40 ans, c’est pourtant grand-mère la véritable star de l’année. Et pas question d’en faire une mamie confiture adepte des pyjamas en pilou et fan de Laurent Romejko. La Corée a montré l’exemple. Dans Mother et dans Poetry, Bong Joon-ho et Lee Chang-dong parviennent à monter des mélodrames ambitieux dont l’héroïne ne serait, dans toute autre production, qu’une vermeille potiche au second plan, gratouillant son chat ou épluchant ses légumes. Un moyen de tordre le cou de toutes les attentes, à travers des portraits pervers et/ou ambigus, et d’amplifier la tension dramatique autour de personnages au bord respectivement de la folie et de l’oubli. La grand-mère coréenne de The Housemaid, elle, n’est pas dupe de ce qui se trame dans la folle demeure qu’elle habite. Le cinéma coréen, volontiers violent, semble s’être réfugié dans les girons de sa mère-grand. Mais las, la violence est partout. Plus bas, en Asie du sud-est, même constat. Les grands-mères dans Lola de Brillante Mendoza se battent comme des chiffonnières, pas spécialement entre elles, mais contre la vie, les éléments, leur corps, dans un film animé par une orageuse pulsion vitale. Comme si l’on touchait là, en un même geste, au dernier rempart d’une famille comme au dernier rempart de la société. En France, une héroïne plus rassurante a fait l’événement : Catherine Deneuve, notre mère à tous, de blanc vêtue pour le finale de Potiche. De Corée à Manille jusqu’à chez nous, un point commun : les années passent mais aucune n’entend capituler.

Mes attentes

1. Tree of Life de Terrence Malick
2. Melancholia de Lars Von Trier
3. Genpin de Naomi Kawase
4. The Ward de John Carpenter
5. The Dreaming Machine de Satoshi Kon & Yoshimi Itazu
6. The Grandmasters de Wong Kar Wai
7. Rabbit Hole de John Cameron Mitchell
8. Captured de Brillante Mendoza
9. Black Swan de Darren Aronofsky
10. The Assassin de Hou Hsiao Hsien

par Nicolas Bardot

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