Cannes 2015: La Tête haute
France, 2015
De Emmanuelle Bercot
Scénario : Emmanuelle Bercot
Avec : Catherine Deneuve, Sara Forestier, Benoît Magimel
Durée : 2h00
Sortie : 13/05/2015
Le parcours éducatif de Malony, de six à dix-huit ans, qu’une juge des enfants et un éducateur tentent inlassablement de sauver.
TÊTE BRÛLÉE
Dans la précédente collaboration entre Catherine Deneuve et Emmanuelle Bercot, l'icône française avait, comme le jeune héros de La Tête haute, quelques problèmes à régler avec sa mère. Et il y avait évidemment une certaine fantaisie à voir Deneuve et Claude Gensac reproduire une dispute entre une maman et une ado dans Elle s'en va. Le ton de La Tête haute est tout à fait différent, plus proche des sombres Clément et Backstage. La première scène est, comme on l'entend souvent, filmée "à hauteur d'enfants", mais littéralement : la caméra capture les visages et les réactions d'un bébé et surtout d'un garçonnet tandis que les adultes s'affairent autour d'eux. Ceux-ci, Deneuve comprises, sont exclus de l'image. Bercot est totalement dévouée à son jeune héros, un écorché vif en totale souffrance.
Alors que la deuxième partie de Elle s'en va tombait dans une écriture un peu trop artificielle, La Tête haute, par la vivacité de ses dialogues, lorgne davantage sur l'écriture de Polisse au scénario duquel Bercot a collaboré. Malony a un prénom d'ange de la télé-réalité, sa mère est une jeune épave totalement débordée, celle-ci prévient pourtant son fils: les enfants ne sont pas des jouets. Qui a créé un tel monstre ? Malony semble le fruit d'une fabrique de petits mâles qui ne s'expriment qu'en éructant ou en se tapant dessus, traitent les filles comme des torchons et décident si elles ont le droit d'avorter ou non. Bercot observe cela avec honnêteté mais ne semble pas avoir un point de vue sur la question.
Le sujet est fort, mais le cinéma un peu moins (on voit déjà fleurir les comparaisons - un peu superficielles - avec Mommy, ce n'est pas rendre service à ce film que de le faire). La Tête haute est porté par sa brillante interprétation (la bouillonnante révélation Rod Paradot en tête) et son histoire forcément bouleversante. Mais le film s'enferme parfois sur son sujet : le recours systématique à l'hystérie finit par créer une répétition et sa structure binaire avec ses aller-retours chez la juge (Deneuve, à l'emploi extra-filmique jubilatoire) ou face à l'éducateur (Magimel, très convaincant) peine à maintenir l'intérêt sur la longueur. La Tête haute est solide, mais les acronymes barbares utilisés à répétition et qui semblent loin des préoccupations du jeune héros finissent ironiquement par prendre le pas sur l'affect et sur son parcours.