La Sirga
Colombie, 2012
De William Vega
Scénario : William Vega
Durée : 1h28
Sortie : 24/04/2013
Alicia est désemparée. En fuyant la violence armée dans laquelle elle a perdu ses êtres les plus chers, elle atterrit à La Sirga, l’auberge d’Oscar, le seul membre de la famille qu’il lui reste. Dans La Sirga, au bord d’un grand lac des Andes, elle va essayer de reconstruire sa vie. Mais cet endroit où elle se sent en sûreté ne sera pas épargné par les conflits. Le retour de Freddy, le fils qu’Oscar a attendu pendant des années, ses intentions énigmatiques et son possible lien avec des acteurs de la guerre, apporteront à La Sirga ce qu’Alicia craint le plus.
DANS LA BRUME
La Sirga c’est avant tout le nom d’un lieu. Une auberge coupée du monde ; perdue au milieu d’un no man’s land. C’est là où vient se ressourcer l’héroïne. Ce qu’elle fuit, c’est précisément le reste du monde, le « vrai » monde. Un monde qu’on devine parfois, par-delà les lacs de montagnes et autre paysages à la fois désolés et fantasmagoriques. Un ailleurs de conte, avec ses buissons qui semblent se déplacer tous seuls et ses arbres étranges qui sont en réalité des hommes empalés. Mais si cet ailleurs résonne de violence, l’auberge en question n’a rien d’une panacée à la love shack : on s’y terre et s’y vouvoie entres membres d’une même famille, comme si on avait peur de prendre trop de place ou de s’attacher.
A l’image de ce lieu, La Sirga est un film-bulle, qui crée son propre univers. Si la dimension initiatique du récit est bien là, le long métrage est avant tout très concret. Guerre civile, génocide, on ne saura jamais vraiment quel est cet enfer dont les personnages viennent se protéger, mais on devine qu’il s’agit du nôtre. Deviner est le mot-clé, car le film de William Vega est de ceux qui donnent leurs indices avec parcimonie : un fusil au fond d’une barque, un paysage admiré à travers une fenêtre où subsiste un discret impact de balle… Gare à celui qui clignera des yeux au moment inopportun, ou qui ne se pliera pas à ce rythme lancinant (pour rester poli). Mais de manière plus évidente, La Sirga est avant tout un film qui possède des qualités plastiques indéniables. Il n’y a quasiment pas un plan qui ne soit pas sublime. Sublime et lent, d’une beauté réelle mais austère, une contemplation parfois pesante. On s’interdit presque de le rappeler, mais toute cette splendeur ne doit pas faire oublier qu’il s’agit aussi après tout d’un film sur des gens qui se font la gueule et parlent tout bas pendant une heure trente. Ne pas s’attendre à un bêtisier au générique de fin, mais à un vrai talent de mise en scène qui ne devrait pas avoir de mal à se faire un nom.