La Isla minima
Espagne, 2015
De Alberto Rodriguez
Scénario : Rafael Cobos, Alberto Rodriguez
Durée : 1h44
Sortie : 15/07/2015
Deux flics que tout oppose, dans l'Espagne post-franquiste des années 1980, sont envoyés dans une petite ville d'Andalousie pour enquêter sur l'assassinat sauvage de deux adolescentes pendant les fêtes locales. Au coeur des marécages de cette région encore ancrée dans le passé, parfois jusqu'à l'absurde et où règne la loi du silence, ils vont devoir surmonter leurs différences pour démasquer le tueur.
A L’ANCIENNE
C’est dans les vieux pots qu’on fait, parait-il, les meilleures soupes. Celle préparée par le réalisateur Alberto Rodríguez rappelle plus d’un souvenir cinématographique familier, certains plus anciens que d’autres et en particulier Memories of Murder de Bong Joon-Ho, son atmosphère poisseuse et sa police corrompue. Dans l’Andalousie profonde et secrète des années 80, où le franquisme n’est pas encore qu’un souvenir (on y trouve des photos de Franco collées sur des Crucifix), deux flics que-forcément-tout-oppose doivent faire équipe pour déterrer les secrets d’une région violente et traumatisée, et accessoirement sauver des jeunes filles des griffes d’un tueur en série. Comme si ce pitch n’était pas assez familier, fatalement, il pleut beaucoup sur le gentil-flic-débutant-et-idéaliste et le vieux-loup-de-mer-au-lourd-passé. Et pourtant, il faut justement un certain talent pour parvenir à redonner vie à de telles formules tellement usées, pour parvenir à bâtir à nouveau un film solide avec ces ingrédients. Sans pousser son classicisme vers un concept-hommage au film noir, Alberto Rodríguez mène sa barque avec un certain savoir faire (à défaut de beaucoup d’imagination) : un scénario carré, étonnamment simple et facile à suivre (c’est peut-être ça, la vraie surprise du film), une belle photo, et deux comédiens décalés (jusqu’ici plutôt connus pour des comédies) qui s’en sortent sans trop d’égratignures.
A l‘ancienne, La Isla mínima l’est également par son absence de personnage féminin au moins un peu intéressant. Le scénario nous dépeint une région aux traditions forcément machos, mais ne fait pas beaucoup d’effort pour les contredire : si les femmes y sont prisonnière de leur maris ou copains, ce sont surtout toutes des victimes qui ont besoin que des hommes viennent les sortir de là et régler leur problème à leur place. L’enquête se fait au nom des jeunes femmes déjà disparues, mais le film n’offre à aucune femme l’espace de s‘exprimer pour elle-même. Tais-toi et laisse-toi sauver. Même après le dénouement, elles ne sont là que pour se laisser draguer par les héros dans un bar, sans doute ivres de soulagement de n’avoir pas eu à agir elles-mêmes. La Isla mínima reste de A à Z une affaire de mecs. Dommage, car l’absence d’un point de vue un peu plus moderne ou tranché sur la question fait finalement basculer le film du côté le moins excitant du classicisme. Cela n’enlève rien à l’aisance qu’il y a à se plonger dans cette histoire bien troussée, mais ce sous-texte un peu paresseux donne à la ballade un arrière-goût amer.