La Dernière fois que j'ai vu Macao

La Dernière fois que j'ai vu Macao
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Dernière fois que j'ai vu Macao (La)
A Última Vez Que Vi Macau
Portugal, 2012
De Joao Rui Guerra da Mata, Joáo Pedro Rodrigues
Scénario : Joao Rui Guerra da Mata, Joáo Pedro Rodrigues
Durée : 1h25
Sortie : 29/05/2013
Note FilmDeCulte : ****--
  • La Dernière fois que j'ai vu Macao
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Trente ans plus tard, je me rends à Macao où je ne suis jamais revenu depuis mon enfance. J’ai reçu un mail à Lisbonne de Candy, une amie dont je n’avais plus de nouvelles depuis longtemps. Elle disait s’être encore aventurée avec les mauvais garçons et elle me priait de venir à Macao où se passaient des choses effrayantes, selon ses propres mots. Fatigué, après des heures de vol, j’approche de Macao à bord du ferry qui me fera remonter le temps, jusqu’à la période la plus heureuse de ma vie.

LES MYSTÈRES DE MACAO

Avec ses précédents films réalisés en solo, Joao Pedro Rodrigues nous avait déjà habitués à brouiller les registres, mais dans la famille « mélange de genres », peut-on citer beaucoup de films combinant documentaire et fantastique ? C’est le pari fait ici par Rodrigues et son collaborateur Joao Rui Guerra da Mata : un long métrage qui soit à la fois documentaire subjectif sur une ville en mouvement, et récit fantastique minimaliste. Si ces deux visages du film sont distincts et distinguables, ils n’en sont pas moins perméables. Passé une scène introductive en guise de trait d’union avec Mourir comme un homme, le film vire de bord. Et pourtant le matériau de base, minimaliste, reste le même: des plans fixes sur la ville désertée, aucun acteur à l’écran, seulement une ou plusieurs voix off. Dans ces scènes les plus austères, Guerra da Mata raconte son rapport à la ville, dans un commentaire poético-solennel qui manque parfois un peu de légèreté. Mais ces mêmes images deviennent peu à peu le terreau d’un récit fantastique qui se crée l’air de rien. Un plan banal sur des rideaux tirés gagne par exemple lorsque les deux réalisateurs y rajoutent des cris et des coups de feu, des dialogues comme sortis d’un autre film.

Ce parti-pris de mise en scène assumant son artificialité est ce qu’il y a de plus stimulant dans La Dernière fois que j’ai vu Macao, qui devient alors un exercice de style décomplexé, du théorique qui s’assume. Mais pas seulement. Car au fil des sons et dialogues toujours off se forme un étrange récit, de plus en plus rocambolesque, de transexuel poursuivi par une improbable mère maquerelle et une secte animiste. Le narrateur se transforme alors progressivement en personnage de fiction (et croise d’autres personnages dont on entend les voix mais qu’on ne voit jamais non plus à l’écran) avec une fluidité saisissante. Mais plus saisissant encore : le sérieux avec lequel est traitée cette histoire kitsch, et surtout le décalage entre ce récit surnaturel et zinzin et le sérieux papal des considérations documentaires de la première partie font naitre un humour inattendu, venant alléger un film qui menaçait de se prendre un peu trop au sérieux.

Comme dans le dernier film de Brisseau, La Fille de nulle part, également primé à Locarno, c’est cet ultra-réalisme général, la fausse trivialité de ses images, qui vient paradoxalement mettre en valeur les scènes fantastiques. Toutes minimalistes qu’elles soient, celles-ci deviennent dès lors saisissantes. Jusqu’à ce que celles-ci contaminent en retour les images quotidiennes pour les rendre mystérieuses à leur tour. Cela semble d’ailleurs être le sens de ce dénouement, qui peine à retomber vraiment sur ses pattes mais qui n’enlève rien au mystère de ce film décidément inclassable.

par Gregory Coutaut

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