L'Ornithologue
O Ornitólogo
Portugal, 2016
De Joáo Pedro Rodrigues
Avec : Paul Hamy
Photo : Rui Poças
Durée : 1h57
Sortie : 30/11/2016
Fernando, un ornithologue, descend une rivière en kayak dans l’espoir d’apercevoir des spécimens rares de cigognes noires. Absorbé par la majesté du paysage, il se laisse surprendre par les rapides et échoue plus bas, inconscient, flottant dans son propre sang...
JOUISSEZ SANS ENTRAVES
Cela sonne comme une profession de foi : "Il y a des choses qu'on ne peut pas comprendre, elles adviennent et il faut y croire". Cette réplique de L'Ornithologue, le nouveau film de Joao Pedro Rodrigues (lire notre entretien), fonctionne pour son nouveau long métrage comme pour ses curieux précédents films ou... pour une certaine vision du cinéma en général. Prix de la mise en scène au dernier Festival de Locarno, L'Ornithologue suit les traces de Fernando (Paul Hamy), à la recherche de spécimens rares de cigognes noires et qui s'enfonce dans une nature luxuriante. Le cinéaste apporte quelques lumières en expliquant avoir voulu faire une relecture de la vie de Saint Antoine, mais pour être appréciée, l'aventure de son nouveau long métrage ne nécessite pas d'avoir usé ses culottes sur les bancs des cours de catéchisme.
Car le parcours initiatique de ce Saint Antoine prend différentes dimensions dans ce film libre, poétique, et ouvert aux interprétations. Les mutations du héros s'y font au fil de l'apprentissage, à l'image du plus ténébreux O Fantasma. C'est un récit d'initiation comme un conte, avec ses rencontres saugrenues, sa forêt merveilleuse, mais où le sous-texte sexuel prend des allures de sur-texte. La jouissance est régulièrement célébrée dans L'Ornithologue qui ressemble parfois à un joyeux catalogue de kinks (bondage comme aux plus belles heures de Teruo Ishii, plans uro moins cinématographiquement "corrects") comme autant de rituels hédonistes dans cet endroit coupé du monde et de ses carcans. Paul Hamy y est érotisé comme probablement aucun autre acteur cet année, un corps prêt à jouir quelle que soient les expériences.
Il y a ce moment très simple dans L'Ornithologue où le héros est filmé avec un ciel bleu à perte de vue au second plan : une candeur presque kitsch émane de cette image, comme d'un portrait de Pierre et Gilles. Joao Pedro Rodrigues, dans cette nature magique, au fil de cette rêverie, parvient à saisir un sentiment précieux de pureté qui n'est pas incompatible avec le récit hypersexué. Au sujet de La Dernière fois que j'ai vu Macao, le précédent film du cinéaste, nous évoquions "le sérieux avec lequel est traitée cette histoire kitsch, et surtout le décalage entre ce récit surnaturel et zinzin et le sérieux papal des considérations documentaires". Même si la filmographie du Portugais est aussi éclectique qu'aventureuse, c'est une phrase que l'on pourrait réécrire sur ce périlleux mais très beau nouveau long métrage, une fable surréaliste et excitante, à la fois fantomatique et bandante, et qui réserve quelques très beaux moments de pur plaisir de mise en scène.